Vieillir, c'est aussi apprendre…
« Avons-nous pris conscience de ce que l’allongement de la durée de la vie signifie et pourrait changer dans nos vies, nos sociétés et même, notre humanité ? Cela ne peut pas être un projet individuel et malheureusement, nous poursuivons cette quête sans réflexion ni anticipation... En effet, la collectivité doit nécessairement en être partie prenante, en transformant radicalement les transports, les logements, l’aménagement des territoires, les lieux de culture. Aujourd’hui, l’espace public n’est pas adapté au grand âge. Si les personnes âgées sont condamnées à rester chez elles, l’allongement de la vie sera absurde ; ces années supplémentaires n’auront un sens que si on leur en donne un à l’échelle sociétale.
N’est-il pas temps de réfléchir aussi à l’impact politique du nombre grandissant des personnes âgées ? En effet, dans la mythologie grecque, Kronos dévore un à un ses enfants sitôt nés, - sauf Zeus !-, en raison de son angoisse d’être détrôné… Attention à ne pas répliquer le mythe ! Le poids démographique de la vieillesse pourrait nous faire courir le risque d’entretenir un rapport excessif au passé, entraînant une forme de concurrence générationnelle, avec des conséquences malheureuses sur le plan démocratique. La lutte des âges pourrait alors constituer un clivage de demain.
Cela va impliquer de la part des personnes âgées de ne pas s’enfermer dans l’intérêt particulier de leur vieillesse et de la part des jeunes générations d’œuvrer pour que la Cité soit à même d’embrasser tous ses citoyens (…).
Pour honorer la vieillesse, encore faudra-t-il aussi la laisser nous transmettre la force de son expérience, au lieu de la mépriser, en la mettant au rebut de nos vies sociale et familiale, et surtout du monde professionnel. Il va nous falloir inventer de nouveaux dispositifs pour donner aux personnes âgées toute leur place dans le monde du travail.
Mais la vieillesse ne peut pas être seulement le temps de la transmission, elle doit être aussi celui de l’apprentissage. Un grand penseur européen, Elias Canetti, rappelait que « la vie est un éternel rétrécissement ». Si l’on ne veut pas voir sa vie réduite à peau de chagrin, il faudra apprendre à « jeter son ancre le plus loin possible », comme cette magnifique dame de 92 ans qui se met à apprendre l’allemand ! La mère de toutes les valeurs est la curiosité, puisqu’elle entraîne dans son sillage toutes les autres. Ce ne sont pas les nouvelles technologies qui nous augmenteront, mais nous-mêmes en étant curieux de tout ce que nous ne connaissons pas encore.
État, collectivités, entreprises, société civile, il nous faut collectivement repenser le rôle des aînés pour que la vie ait toujours un sens ! »
Gabrielle Halpern
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