Fin de vie, aide à mourir : retour sur 20 ans de débats

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

Les débats parlementaires sur la proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir s’ouvrent ce lundi. La version du texte sur laquelle les députés sont invités à se prononcer suscite le mécontentement de nombreux acteurs de la santé, de la fin de vie, du handicap ou du grand âge. Pour prendre de la hauteur, le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie propose un voyage dans le temps, avec un retour sur les 20 ans de réflexion et d’affaires qui ont amené le sujet sur la table.

Les débats sur la proposition de loi 1100 relative à l'aide à mourir, qui vise à ouvrir le droit au suicide assisté et à l’euthanasie, s’annoncent houleux.

Parmi les points de vigilance relevés, notamment par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), des critères d’accès « flous, subjectifs et non définis médicalement ». Le texte évoque ainsi une souffrance « insupportable », un pronostic vital « en phase avancée », ce qui constitue une notion impossible de définir avec une certitude suffisante, estime la Haute autorité de santé.

2005 : la fin de « l’obstination déraisonnable »

Des considérations qui n’étaient toutefois pas d’actualité il y a 20 ans, lorsque survient l’affaire Vincent Humbert. Le jeune homme, tétraplégique, aveugle et muet suite à un accident de la route, souhaite mourir. Demande à laquelle accède sa mère, avec l’aide de son médecin. La justice conclura à un non-lieu, en raison du contexte et de la « contrainte morale ». Au vu de son retentissement médiatique, une mission parlementaire sur la fin de vie est déclenchée. Elle aboutit à la loi du 22 avril 2005 sur le droit des malades et la fin de vie.

Cette loi, dite loi Leonetti, introduit l’interdiction de l’obstination déraisonnable (acharnement thérapeutique). Elle crée aussi les directives anticipées.

2016 : de nouveaux droits pour les malades en fin de vie

De nouvelles affaires relancent le débat. Celle de Chantal Sébire, à qui le tribunal de grande instance de Dijon refuse le suicide assisté, et surtout celle de Vincent Lambert, entre 2013 et 2019.

Une situation tragique où s’opposent l’épouse et la famille du jeune homme plongé dans un état végétatif après un accident de la route., mais aussi les médecins et les tribunaux.

C’est dans ce contexte que les parlementaires légifèrent à nouveau. La loi Claeys-Leonetti de 2016 renforce les directives anticipées, le rôle de la personne de confiance, et instaure un nouveau droit, l’accès à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à la demande du patient ou à l’initiative du médecin.

Elle précise aussi que l’hydratation et la nutrition artificielles sont bien considérées comme des traitements, et peuvent donc être interrompues au titre du refus de l’obstination déraisonnable. Elles peuvent de ce fait être arrêtées à la demande du patient, ou à la suite d’une décision médicale. C’est la décision qu’avaient prise les médecins de Vincent Lambert, mais que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait retoqué.

2025 : vers la légalisation de l’aide à mourir et de l’euthanasie ?

Alors que la sédation profonde et continue jusqu’au décès n’est possible que dans des conditions bien précises (pronostic vital engagé à court terme, souffrance réfractaire au traitement ou maintien en vie uniquement grâce à des traitements, ce qui équivaut à de l’obstination déraisonnable), la proposition de loi en débats aujourd’hui ouvre « l’aide à mourir » aux personnes atteintes « d’une affection grave et incurable, qui engage le pronostic vital, en phase avancée ou terminale ».

Ce qui, pour l’avocate Elisa Rojas, englobe « les malades et/ou personnes handicapées dont le pronostic vital n’est nullement engagé ».

Un point de vue partagé par la Sfap : « avec ce texte, l’accès à la mort provoquée pourrait concerner un très grand nombre de personnes vivant avec des pathologies chroniques ».

D’autres points du texte, modifié par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale jusqu’à son titre – il s’agit désormais d’une proposition de loi sur le doit à l’aide à mourir et non plus sur la fin de vie – inquiètent citoyens et professionnels.

Notamment la mise sur le même plan du suicide assisté, de l’euthanasie et des soins, ou encore la création d’un « délit d’entrave à l’aide à mourir », pointe la psychologue clinicienne et autrice Marie de Hennezel dans une tribune publiée le 9 mai.

Mais aussi des modalités d’accès allégées : le patient doit faire la demande à un médecin, ce dernier doit demander l’avis d’un confrère et d’un autre soignant, et rendre son verdict dans un délai de 15 jours. La Sfap dénonce l’absence de procédure collégiale, d’évaluation psychologique systématique, de consultation de l’équipe soignante ou des proches. « Le formalisme minimaliste et les délais extrêmement courts menacent les plus vulnérables qui seraient tentés par un acte par nature irréversible », souligne-t-elle.

 

RAPHAËLLE MURIGNIEUX, pour AGEVILLAGE 12/05/2025

https://www.agevillage.com/actualites/fin-de-vie-aide-%C3%A0-mourir-retour-sur-20-ans-de-d%C3%A9bats

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