Les para-athlètes sont en moyenne beaucoup plus vieux que leurs collègues non porteurs de handicap,
Au micro du stade de France : « Lancer de poids hommes F37 », « Lancer de javelot hommes F13 », etc.
Assistant pour la première fois à des épreuves paralympiques au stade de France, Blandine nous décrit l'ambiance, l'enthousiasme, … Mais aussi les catégorisations des handicaps : "F pour « field », T pour « track »…"parfois difficile à décrypter (voir l'article de VIF en pj en entier)
Bien au-delà de la pluralité de leurs handicaps, la diversité des corps des athlètes de para-athlétisme est impressionnante. Il y a des gros, des petits, des femmes massives et très grandes, des hommes bedonnants voire presque obèses, d’autres très chétifs. Et surtout, ô surprise, plusieurs têtes blanches ou grises. De fait, les para-athlètes sont en moyenne beaucoup plus vieux que leurs collègues non porteurs de handicap, et les quinquagénaires ne sont pas rares. Ceci peut être partiellement expliqué par leur trajectoire, dont les circonstances sont parfois détaillées par le commentateur du stade de France, et souvent par les médias. Bon nombre de ces para-athlètes ont en effet subi un accident ou une maladie, qui est la cause de leur handicap. Après plusieurs années de soin et de deuil, de reconstruction psychique et physique, d’accoutumance à un appareillage, une prothèse ou un fauteuil, ils ont pu entreprendre une carrière sportive, ou se remettre au sport, dans sa version « handi », avec une volonté de fer et des entraînements acharnés. Pour beaucoup, c’est donc une seconde carrière, comme c’est le cas pour Rosario Murcia-Gangloff, doyenne des Jeux avec ses 59 ans. Coureuse de fond, elle a détenu le record de France féminin du 10 000 mètres chez les valides pendant vingt ans et avait disputé l’épreuve olympique du 10 000 m il y a trente-deux ans. Devenue aveugle suite à une maladie dégénérative des yeux, elle revient cette année courir le marathon à Paris en catégorie T12. Plus tardives, les carrières des para-athlètes sont donc aussi plus longues, du fait que le bassin de recrutement est plus restreint, les catégories d’épreuves beaucoup plus nombreuses et qu’ils ne sont donc pas remplacés aussi vite que les athlètes valides par de nouvelles et jeunes recrues.
Une supposée égalité des chances
Cette inclusivité réfléchie et objectivée des différences corporelles et intellectuelles, cette tolérance de l’âge et la compensation de certaines déficiences par des aides techniques et des guides me laissent songeuse : prévues pour du sport de très haut niveau, comment pourraient-elles se diffuser dans l’ensemble de la société ? Il me semble que ces performances spectaculaires, ces démonstrations de l’aptitude de ces athlètes à surmonter leur handicap pour poursuivre une carrière de sportifs internationaux et notre satisfaction d’avoir participé à cette grande célébration, risquent de nous rassurer un peu trop facilement sur une supposée égalité des chances dans tout le spectre des capacités et incapacités, celles aussi de personnes âgées, abîmées par leur vie de travail, ou en butte à d’autres formes de discriminations. De renforcer finalement l’exclusion, hors de nos imaginaires, de nos relations, de nos choix politiques, des difficultés quotidiennes de ces mêmes personnes et des multiples obstacles qu’ils et elles rencontrent au long de leur parcours de vie. Pour que la fête continue, nous devrions rester vigilants à ce que la célébration de ces Jeux paralympiques, l’intérêt qu’ils ont suscité et les multiples débats auxquels ils ont donné lieu, ne se dissolvent pas en une sorte de confort moral, une indifférence vague, et finalement, un renforcement de nos attitudes validistes, souvent inconscientes.
Blandine Destremau, Publié dans VIF le 19 Septembre 2024,