La solidarité, ça existe…et en plus, ça rapporte : un ouvrage de Serge Guérin

Publié le par Orgris

La solidarité, ça existe…et en plus, ça rapporte

Ouvrage de Serge Guérin collection Essai - éditions Michalon

Vieillissement démographique, chômage élevé, accroissement des inégalités, fractures territoriales … La société française en crise fait face à de multiples défis socio-économiques que son modèle d'État providence a bien du mal à relever

     PRODUIRE LA CONVIVIALITÉ

Ainsi, une économie de coopération et de proximité se développe à contre-courant des objectifs de rentabilité financière. Parmi les formules à succès, on retrouve le covoiturage qui s'est popularisé grâce au site Blablacar. En pleine croissance, les Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (AMAP) permettent de souscrire à un panier de fruits et légumes produit par des producteurs locaux sans passer par un magasin. Ces différentes formes d'organisations permettent de faire des économies d'argent, de prendre en compte la nature et de produire de la convivialité.

L'économie solidaire se fonde aussi sur le monde associatif et les entreprises sociales et solidaires. Ce secteur comble les carences de l'économie de marché, qui ne répond pas nécessairement aux attentes de la société, et les absences d'un État limité. Les enjeux économiques et politiques sont importants : le secteur des entreprises sociales et solidaires représente 10% du PIB et emploi 2,35 millions de personnes, « c'est-à-dire plus que les entreprises du CAC 40 », rappelle l'auteur. Les associations se substituent à l'État et aux collectivités territoriales - qui n'estiment plus être capables d'effectuer, par manque d'argent ou de compétences - dans de nombreuses tâches sociales, culturelles et écologiques. Serge Guérin décrit ainsi un nouvel « État providence décentralisé et délégué ».

    TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE

La solidarité apporte aussi des solutions aux conflits de générations. Les plus de 60 ans représenteront 35 % de la population française en 2050 contre 23% aujourd'hui : l'auteur insiste sur les conséquences de cette transition démographique, enjeu économique mais aussi de cohésion sociale. Au lieu d'opposer les actifs, dont le taux de cotisation augmente, aux baby-boomers privilégiés et aux personnes âgées malades ou dépendantes, Serge Guérin envisage le vieillissement et l'aide à la personne comme un facteur de développement, un « levier de transformation des services publics ».

Il constate que, déjà, les seniors sont fortement impliqués dans la vie économique et sociale : la majorité des centaines de milliers de bénévoles sont des retraités. Au quotidien, ils jouent le rôle de « filet de protection sociale » lorsqu'ils apportent du soutien aux plus démunis, comme dans les associations des Petits frères des Pauvres, Emmaüs ou ATD Quart Monde. Ils participent aussi à la transmission des savoirs, tant au sein des entreprises, que par l'accompagnement de jeunes entrepreneurs et chômeurs.

     ÉVITER LE DÉCLASSEMENT

Le vieillissement de la population engendre également une augmentation de la population fragile ou en manque d'autonomie. Une meilleure gestion des dépenses de protection sociale s'impose, notamment à travers la prise en compte de l'autre et la prévention. Par exemple, l'association Siel Bleu propose des programmes de renforcement musculaire et d'amélioration de la souplesse articulaire destinés à favoriser l'autonomisation des personnes âgées ou malades.

Une généralisation de ces programmes à l'ensemble de la société permettrait de diminuer les chutes et le diabète de type II, ce qui entraînerait une économie de dépenses publiques de santé estimée à 59 milliards d'euros sur la période 2012-2020, selon le cabinet McKinsey.
L'auteur plaide en faveur d'une société de « l'intergénérationnel », capable d'éviter le déclassement social des seniors que la société considère trop vite dépassés par la modernité.

Un déclassement aux conséquences - « isolement, mauvaise santé, précarité » - coûteuses. Dans l'intergénérationnel, les jeunes et les seniors partagent leurs compétences, apprennent à se connaître et veillent l'un sur l'autre. Il s'agit là d'un « enjeu collectif » qui permet de passer « de la défiance à la mutualisation ».


Jean-Loup Thiébaut (Le Monde Académie)

COUV-GUERINsergeguerin

La solidarité ça existe …et en plus ça rapporte !, de Serge Guérin. Michalon, 224 pages,18 euros.

Sociologue, spécialiste du vieillissement de la société, Serge Guérin nous fait découvrir de manière fluide les stratégies économiques et sociales des exclus de la mondialisation. En marge des métropoles créatrices de richesses, délaissée par un État endetté, la « France d'en bas » prend son destin en main et invente une société plus solidaire.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article