La France buissonnière : deux centenaires sous le même toit

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

A la rencontre de la France ordinaire. Micheline et Charles, 100 ans chacun, viennent de souffler leurs soixante-seize ans de mariage. Ce couple, qui vit dans la même maison, à Blois, depuis 1950, se maintient en forme grâce au jardinage et, un peu, à la médecine.

Le 7 septembre, Charles et Micheline Blondeau ont fêté leur 76e anniversaire de mariage, sans tambour ni trompette, chez eux, à Blois. Ils avaient tous les deux 24 ans quand ils se sont dit oui, pour le meilleur et pour le pire, au lendemain de la seconde guerre mondiale. Rapide est le calcul : Charles et Micheline ont chacun 100 ans aujourd’hui. Lui depuis avril, elle depuis juin. « Un couple de centenaires qui vit encore à la maison, cela ne court pas les rues », en convient monsieur, sous l’œil complice de madame, qu’une déficience auditive soustrait parfois à la discussion. Des papiers traînent sur le buffet, un saladier de ratatouille repose au frigo. La vie ordinaire, loin des Ehpad. Au mur, des canevas de faisan et de Pierrot et Colombine.

Le siècle est passé sans qu’ils y prennent garde, expliquent ces aïeuls presque sémillants, parents de trois enfants, dont l’un, Michel, prof de français, est décédé d’un cancer à l’âge de 52 ans. Restent Yves, 71 ans, qui fut boucher-charcutier dans le Cantal, et Jean-Paul, 65 ans, retraité de La Poste, qui vit à 12 kilomètres de là, et veille sur eux. Six petits-enfants et neuf arrière-petits-enfants complètent un arbre généalogique commencé en 1922, une année quelque peu mouvementée : Landru est guillotiné en février, Mussolini marche sur Rome en octobre, l’URSS est proclamée en décembre. Nés sous la IIIe République, les Blondeau « connaîtront » 14 présidents.

« Camouflé » dans une ferme pendant la guerre afin d’éviter le service du travail obligatoire (STO), Charles s’était formé au métier aujourd’hui disparu de bourrelier, avant de se reconvertir dans la fabrication de matelas et de sommiers à ressorts. Le couple ouvre une boutique en 1950, dans la maison qui est toujours la sienne. En complément de son mari, Micheline, l’aînée de sept enfants, va coudre des rideaux et des dessus de lits. Ils ont 65 ans quand sonne l’heure de la retraite. « On aurait pu repartir pour un tour, finalement », s’en amuse Charles, avec le recul.

Jouer les prolongations

Leur train-train a peu changé, depuis. Lui est affecté aux courses ; elle aux repas. « Des plats moins sophistiqués qu’avant », ce qui ne l’a pas empêchée de mitonner un ragoût de volailles, il y a peu. Micheline ne se déplaçant plus qu’en déambulateur, la chambre à coucher située à l’étage a été déplacée au rez-de-chaussée. Charles s’est, lui, résolu à vendre sa ZX break, qu’il conduisait encore au printemps : « Je me faisais un peu peur. Quand une voiture arrivait en face, j’avais tendance à serrer à droite, et ça frottait. »

« Avant je doublais tout le monde sur le pont, maintenant c’est tout le monde qui me double » – Charles

Ni Alzheimer ni Parkinson n’ont franchi leur porte, le Covid non plus. Une employée du centre d’action sociale vient tous les matins habiller Micheline. Une autre fait le ménage chaque mercredi. C’est elle qui, sans les prévenir, a signalé à La Nouvelle République l’existence de ce couple en airain, abonné au journal depuis sept décennies. La parution d’un article leur a valu un appel du cabinet du maire, Marc Gricourt. En novembre, l’élu viendra rendre visite à ces citoyens modèles : « Nous avons voté à toutes les élections. »

Le secret de leur longévité ? « Le jardinage, qui nous a entretenus physiquement », estime Charles, dont la mère est morte à 104 ans. « La médecine », indique de son côté Micheline, qui a subi huit opérations en tout, dont une du cœur, à l’âge de 97 ans : « C’est moi qui ai insisté pour me faire opérer. Mon docteur était contre. Il n’en revient pas aujourd’hui, tellement je me porte bien. » Charles n’est passé qu’une seule fois sur le billard, pour se faire poser une prothèse de la hanche, il y a trois ans.

Chronique de Frédéric Potet, Publié dans Le Monde du 18 septembre

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