Le Kanata : un habitat intergénérationel où il fait bon vieillir- Ille-et-Vilaine (35) 

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

« Aujourd'hui, le résultat dépasse nos espérances. Les habitants ont développé leurs propres solidarités. Ils ont créé une association « les amis du Kanata » dont font partie des personnes âgées. Et surtout, le Kanata a pu répondre à d'autres problématiques du vieillissement, comme le maintien des liens avec le conjoint en établissement, puisque l'EHPAD est à cent mètres à peine. Des couples ont pu retrouver une intimité ». Une responsable du CCAS de Liffré

Porteur(s) de l'action : Le Centre communal d'action sociale (CCAS) de Liffré (35)

Objectif(s) et bref descriptif : Pour répondre à la demande de personnes âgées, ou de leur famille, vivant dans des logements inadaptés à la perte d'autonomie ou isolés, la commune de Liffré, via le Centre communal d'action sociale (CCAS), a acquis 11 logements évolutifs dans un programme immobilier privé en cœur de village. A l'issue d'un processus de co-construction avec les personnes concernées qui ont fait connaître leur désir de mixité sociale et générationnelle, la commune y a également implanté des logements tous publics, une salle d'animation, ouverte aux associations et à l'ensemble des habitants de la commune, ainsi qu'une crèche gérée par le Centre intercommunal d'action sociale (CIAS) et qui associe les personnes âgées résidentes à ses animations. Les résidents ont ainsi retrouvé une implication citoyenne en s'engageant dans la vie associative, retissé du lien social et gagné en autonomie.

Située à une quinzaine de kilomètres au nord de Rennes, Liffré est une commune en forte croissance (de 6800 habitants au début du projet à 7600 habitants aujourd’hui). Elle regroupe de nombreux hameaux isolés où vivent, parfois en couple mais le plus souvent seules, des personnes âgées aux revenus modestes, résidant dans des maisons devenus trop grandes, souvent anciennes et difficilement ou coûteusement aménageables pour favoriser le maintien à domicile. A l’occasion des élections municipales de 2008, la majorité municipale réalise une campagne de porte à porte qui donne l’occasion à ces personnes âgées de témoigner. Toutes expriment une angoisse forte, un véritable sentiment d’insécurité, à l’idée de se retrouver de plus en plus isolées, au fur et mesure de leur perte progressive d’autonomie, en raison d’un entourage éloigné ou de difficultés de mobilité. Elles-mêmes ou leurs proches souhaiteraient qu’elles puissent résider en centre ville à proximité des commerçants, des services mais aussi de leur réseau social. Un vœu difficilement réalisable en raison de la pression immobilière dans cette commune de la périphérie rennaise. Au lendemain des élections, en réponse aux besoins précédemment exprimés, la municipalité contacte le Département afin d’obtenir son soutien pour la construction d’un foyer logement et reçoit une fin de non recevoir : le schéma gérontologique est bouclé et aucune nouvelle création d’établissement n’est envisageable avant 2015. Face à cet état de fait et soucieux de tenir leurs engagements, les élus se lancent alors dans une démarche de consultation de l’ensemble des acteurs locaux, qui débouche sur une véritable co-construction avec les habitants d’un projet de logement intergénérationnel.

Un projet co-construit avec les habitants : En octobre 2008, une première réunion publique réunit autour du Maire et de ses adjoints plus d’une centaine de participants, personnes âgées de plus de 70 ans et leurs familles, habitants de communes limitrophes, professionnels du réseau gérontologique très actif en Ille-et-Vilaine, services d’aide à domicile, directeur de l’EHPAD… Si le projet initial portait sur la création d’un foyer logement, une seconde option émerge alors, défendue par les personnes âgées : certes, elles souhaitent habiter en centre bourg, mais pas dans une structure qui leur soit spécialement réservée. Elles veulent continuer à vivre dans un environnement intergénérationnel facteur de liens, tout en bénéficiant de services qui les rassurent (médecins, infirmières, services à domicile, portage de repas, animations...) et de logements adaptables qui leur permettent de s’y maintenir le plus longtemps possible. Au lendemain de la réunion, une commission extramunicipale de 18 membres, réunissant à parité professionnels (directeur de l’EHPAD, responsable du réseau gérontologique, représentants des structures d’aide à domicile, élu à l’action sociale, élu à l’urbanisme…) et seniors volontaires, est donc créée. Charge à elle de recueillir l’avis des principaux intéressés, puis de suivre avec la mairie la mise en œuvre du projet retenu. Début 2009, les membres de la commission vont établir un questionnaire et enquêter directement auprès de 120 des 600 personnes âgées de plus de 80 ans que compte alors la commune. Les 110 réponses collectées confirment leur très nette préférence (plus de 70%) pour des logements adaptés aux personnes âgées et évolutifs mixés avec des logements « tous publics », à proximité des services et des lieux d’animation.

Favoriser la mixité : Des intérêts convergents favorise alors la concrétisation du projet. D’une part, la communauté de communes du pays de Liffré qui regroupe cinq communes dont Liffré, crée début 2009 un centre intercommunal d’action social, réunissant progressivement les compétences « petite enfance », « maintien à domicile des personnes âgées » puis « animation auprès des personnes âgées ». Le nouveau CIAS programme l’implantation d’une crèche à Liffré. D’autre part un promoteur privé manifeste son intérêt pour la parcelle que la mairie a bloqué en centre-ville dans la perspective du projet de foyer logement. Des négociations vont alors s’engager entre la commune, la communauté de commune et le promoteur. Elles vont donner naissance à un projet immobilier original de trois petits bâtiments (rez-de-chaussée et deux étages avec ascenseur), répartis autour d’une cour/jardin de 400 m2. Deux de ces bâtiments intègrent 27 appartements en accession à la propriété et trois surfaces commerciales. Le troisième réunit 11 logements évolutifs de type 1 (1), 2 (8) et 3 (2), acquis par le CCAS de Liffré et dédiés à des personnes âgées, éligibles à l’Aide Personnalisé au Logement (APL), ainsi qu’une salle d’animation financée par la commune. De son côté, la Communauté de Communes s’est portée acquéreur d’un espace de 193 m2 pour y implanter une crèche de 20 places, gérées par le CIAS.

Un logement évolutif : Une collaboration étroite, bien que parfois complexe en raison des temporalités différentes entre un projet à vocation commerciale et une démarche de concertation, s’instaure entre la mairie et le promoteur qui associe tout au long de la construction la commission extramunicipale. Les logements et leur environnement sont ainsi conçus conjointement par l’architecte du projet et un groupe de professionnels du Centres local d’information et de coordination gérontologique (Clic), du réseau gérontologique, des services d’aide à domicile Les parties communes du bâtiment accueillants les 11 logements pour personnes âgées sont adaptées : éclairage, couleurs, traitement du sol compatible avec des problèmes de visions ; commande vocale pour l’ascenseur accessible en fauteuil, barres d’appuis… Si les logements conservent une apparence ordinaire, ils sont facilement aménageables en cas de perte d’autonomie : chambre et salle de bain plus grandes ; cuisine et salle de bain adaptées (handivasque, WC suspendu, plan de travail à hauteur modulable) ; volets électriques ; fourreaux d’alarme préexistants… Certains surcoûts d’aménagement ont pu être financés par des partenaires, comme l’installation de cuisines adaptables prise en charge par la Fondation de France.

Une sélection attentionnée des futurs habitants : De même, une attention toute particulière est portée au choix et à l’accompagnement des futurs résidents âgés. Dès juin 2010, une nouvelle réunion publique permet de lancer l’ouverture des candidatures. 49 dossiers sont déposés, principalement à l’initiative des personnes âgées elles-mêmes. Chaque candidat est reçu individuellement pour évaluer sa situation selon des critères de revenu, les caractéristiques de son logement d’origine (accessibilité en terme sanitaire, possibilité de travaux ou non…), l’autonomie et l’isolement ressentis, le mode de vie… mais aussi selon ses motivations. A l’issue de cette sélection, les 11 postulants retenus sont accompagnés individuellement pendant près d’un an, en y associant leurs proches, afin de les aider à surmonter des difficultés matérielles (vente du précédent logement) et psychologiques (appréhension à quitter son environnement familier) occasionnées par le déménagement. Une démarche longue et mobilisatrice, rendue possible grâce à la formation d’assistante sociale de la Directrice du CCAS. Seul un couple sélectionné à l’origine ne pourra intégrer le Kanata, la dégradation de son état ayant nécessité une entrée en EHPAD.
En 2019, l’ensemble des logements est occupé par 14 locataires dont huit personnes seules, deux couples et une colocation entre une mère et sa fille adulte handicapée. Depuis 2011, il y a eu très peu de turn-over (généré essentiellement par des décès ou entrée en EHPAD) et seule l’attribution du T1, qui correspondait mal aux attentes des personnes âgées, a été revu pour un étudiant. Une petite liste d’attente (3 personnes) s’est cependant constituée et suffit pour palier une éventuelle vacance locative. Certains habitants sont moins autonomes qu’à leur arrivée et bénéficient de l’APA. Ils font alors appel aux services à domicile (gérés par le CIAS ou par l’ADMR) et ont pu demeurer dans leur nouveau chez-soi, les aménagements existants facilitant la prise à charge à domicile par des services, voire l’hospitalisation à domicile.


Un concept créateur de lien : Le nom de Kanata n’a pas été choisi par hasard puisqu’en dialecte canadien il signifie «village». Dès les premiers emménagements, des solidarités entre les habitants se sont rapidement développées. Un club des « Amis du Kanata » s’est créé, réunissant des habitants de tous âges. Mais ces derniers témoignent aussi de relations plus informelles de bon voisinage, favorisant une solidarité et une entre-aide de proximité. Il semble toutefois que ces liens de voisinage, très présents au départ (organisation de diners collectifs, d’apéritifs…) se soit progressivement distendu au fur et à mesure des changements d’occupants, d’autant qu’aucune charte ne vient les formaliser.

En revanche, la proximité de la salle d’animation, accessible directement pour les habitants du Kanata, et de la crèche favorisent la participation des personnes-âgées à la vie sociale. Une réflexion sur l’utilisation de la salle a été conduite collectivement. Elle est mise à disposition des habitants du Kanata, pour y recevoir leur famille ou s’y retrouver à plusieurs pour des temps de convivialité. Les associations de la commune y proposent des activités tous publics et le service animation du CIAS dispose de plages réservées deux après-midi par semaine pour l’organisation d’animations plus spécifiquement destinées aux personnes âgées, afin de prévenir la perte d’autonomie. Certaines de ces activités bénéficient notamment de subventions de la Carsat ou de la Conférence des Financeurs de la Prévention de la Perte d’Autonomie (CFPPA). Enfin, le projet social de la crèche a été élaboré dans un esprit de solidarité intergénérationnel, en lien avec le service animation du CIAS et plusieurs temps communs sont organisés dans l’année avec les personnes âgées.

Huit ans après sa création, le Kanata semble toujours répondre aux attentes formulées à l’origine par les personnes âgées, qui au-delà du confort et de l’équipement des appartements, du sentiment de sécurité liée à la proximité des services à domicile et à leur vigilance réciproque, témoignent du maintien, voir du renforcement, de leur vie sociale.
Sur la commune, une nouvelle offre de logements pour personnes âgées autonomes sera effective début 2020. Le projet, porté par l’association Saint-Michel qui gère l’EHPAD du même nom, propose 30 logements adaptés (sous conditions de ressources), une salle de convivialité et la présence d’une coordinatrice de vie sociale.

Bilan

Éléments positifs  

  • La démarche participative qui inclue les personnes âgées et leur famille dès la conception du projet.
  • L’intégration du projet dans une démarche de développement territoriale à l’échelon intercommunal.
  • Le partenariat opérationnel entre différents acteurs (collectivités, établissements et services médico-sociaux, promoteur privé…).
  • La conception intergénérationnelle du projet.
  • L’accompagnement des personnes âgées dans la transition entre l’ancien et le nouveau logement.

Les points de vigilance 

  • La difficulté à faire vivre le projet intergénérationnel dans la durée.
  • La temporalité différente entre un projet à vocation commerciale et une démarche participative.
  • Le caractère atypique du dispositif qui a compliqué l’obtention de certains conventionnements, APL notamment.

LE NEL Laurence Directrice CCAS de Liffré Adresse : 9 Rue des Écoles, 35340. Liffré 

Tél. : 02.99.68.52.29 ; Courriel : laurence.le-nel@ville-liffre.fr

Info repéré sur le site ODAS/APRILES, de juin 2020

https://odas.apriles.net/initiatives/le-kanata-un-habitat-intergenerationel-ou-il-fait-bon-vieillir

voir aussi sur le site de l'UNCASS : https://www.unccas.org/le-kanata-un-lieu-de-vie-intergenerationnel-proposant-des-logements-adaptes-au-vieillissement#.X9ZxRV5CeH0

 

 

Le Kanata : un habitat intergénérationel où il fait bon vieillir- Ille-et-Vilaine (35) 

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