Un homme de 73 ans se prépare à gravir les 8000 mètres de l'Annapurna
A 73 ans, Carlos Soria s'apprête à quitter l'Espagne pour le Népal, à l'assaut de l'Annapurna et d'un nouveau défi: l'ascension d'un douzième sommet de plus de 8000 mètres, qu'il espère ajouter à un palmarès déjà inégalé pour un homme de son âge.
Quelques rides dans un visage lumineux et une peau burinée trahissent à peine la réalité. Son regard pétille lorsque cet alpiniste hors normes évoque le départ tout proche, les yeux perdus sur le massif qui s'étire au-dessus de son village de Moralzarzal, au nord de Madrid: "Ce sont les montagnes de mon enfance, de ma jeunesse, de toute ma vie", confie-t-il.
Le 5 mars, Carlos Soria met le cap sur l'Himalaya. Son objectif: vaincre l'Annapurna et ses 8091 mètres. Et peut-être plus: "Si tout va bien, si j'en ai envie, je ferai ensuite l’ascension du Dhaulagiri", un sommet voisin à 8167 mètres. Si tous ses rêves se réalisent, l'alpiniste aura, au printemps 2013, gravi les 14 sommets de plus de 8000 mètres de la planète. Mais déjà, l'exploit est écrit: l'ascension, à plus de 60 ans, de neuf 8000 mètres. "Il y a des gens qui ont fait de la montagne, mais comme moi, non", lâche-t-il dans un sourire. Car la montagne est une passion de toujours pour ce petit homme aux cheveux gris, tout en muscles - 1,65 mètre "et demi", insiste-t-il, pour 59 kilos.
Le regard toujours tourné vers la montagne
A onze ans, il quitte l'école, devient encadreur, puis tapissier. Il vit à Madrid mais son regard est toujours rivé sur la montagne toute proche. Alors dès qu'il le peut, il s'échappe: "S'il y avait de la neige, je partais, à midi, avec un petit sandwich et un yaourt, pour faire du ski de fond. Je revenais à 4 heures". La montagne, à cette époque, était bien différente. "C'était l'après-guerre. Il n'y avait pas de matériel, pas d'informations, très peu d'argent".
Avec les années, viennent les premières expéditions, en 1962 dans les Alpes, "ma première escalade de haut niveau", en 1968 dans le Caucase. Puis le premier 8000, le Nanga Parbat, en 1990, et les sommets mythiques: l'Everest - il a alors 62 ans -, le K2 à 65 ans.
A l'heure de la retraite, Carlos Soria s'installe à Moralzarzal, au pied de la Sierra de Guadarrama: son univers, dont il a exploré chaque recoin de rocher. Là aussi où il a rencontré son épouse Cristina, dans l'étrange dédale de pierres du massif de la Pedriza, avant de l'entraîner avec leurs quatre filles dans quelques unes de ses aventures.
Carlos Soria parle de sa passion, jamais d'exploit. Pourtant en 2011, lorsqu'il arrive au sommet du Lhotse, à la frontière entre Népal et Tibet, sept autres montagnards, beaucoup plus jeunes, sont évacués par hélicoptère. Certains devront être amputés de plusieurs doigts. Lui seul continue ce jour-là, en s'aidant de "très peu d'oxygène, à partir de 7800 ou 7900 mètres, et pour monter seulement". C'est d'ailleurs son habitude, n'utiliser de l'oxygène qu'exceptionnellement.
"Je suis conscient que j'ai 73 ans et que peut-être, un jour, j'aurai moins de force, moins d'envie", raconte-t-il. "Mais aujourd'hui non, je me sens bien, avec un mental très fort, j'ai très envie de cela, et c'est l'important".
L'entraînement quotidien
Alors chaque matin, ou presque, Carlos Soria se lève pour s'entraîner: échauffements, étirements, vélo, marche "avec des bâtons" pour soulager les genoux, ski de fond, escalade sur des parois de glace ou de roche. Il complète ce rituel de quelques recettes bien à lui: "une gousse d'ail, des flocons d'avoine, un sandwich à la viande séchée".
Après des années de vaches maigres, il a accueilli comme une bénédiction l'an dernier le parrainage de la banque espagnole BBVA, pour ces expéditions dont le budget avoisine les 100 000 euros.
AFP, paru dans Senioractu