Sugamo, le quartier des mamies et des papis de Tokyo
Sugamo, le quartier des mamies et des papis de Tokyo
Sugamo est un quartier ancien, du temps où Tokyo s'appelait encore Edo, entre 1603 et 1868. A l'époque, c'était une étape de la Nakasendo, l'une des deux routes reliant Edo et Kyoto, dans l'ouest du pays. On y déjeunait et on y achetait des graines des légumes cultivés uniquement dans les alentours.
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paru dans Or Gris du 27 01 2014
Aujourd'hui, le quartier nord de la capitale japonaise tire sa notoriété d'une longue rue commerçante connue sous le nom d'« Omotesando des mamies ». Omotesando, le « vrai » est un autre quartier de Tokyo, bastion de la mode et fréquenté par les jeunes Japonaises.
Sugamo est aujourd'hui un paradis pour personnes âgées. Au début de l'artère commerçante, le temple Shinshoji abrite l'un des six jizos, divinités bouddhiques de la capitale. Erigée en 1714, la statue de près de trois mètres de haut est censée guérir les maladies. Des petites mamies s'y pressent, brûlent quelques bâtonnets d'encens et prient. Puis elles trottent vers un autre temple, le Koganji, où elles font la queue pour arroser d'eau ou caresser une autre statue, celle du jizo Togenuki, censé lui aussi veiller sur leur santé.
S'aventurer dans Sugamo, c'est retrouver des goûts et une atmosphère qui n'a guère changé depuis une cinquantaine d'années. « A l'époque, il ne venait que des femmes ici, se rappelle une vendeuse d'imagawayakis, délicieux gâteaux traditionnels fourrés à la pâte de haricots rouges. On ne trouvait que des boutiques d'habillement. »
SOUS-VÊTEMENTS ROUGE VIF
Certaines ont survécu et vendent aujourd'hui des sous-vêtements, de préférence rouge vif. « Le rouge est la couleur du cadeau fait à celle ou à celui qui atteint les 60 ans pour lui souhaiter longue vie, explique une femme. C'est un âge de renaissance qui marque l'accomplissement du koyomi, cinq cycles de douze ans dans l'astrologie chinoise. »
A Sugamo, on peut aussi s'arrêter chez Sokaido et s'offrir une décoction de tortue Suppon (trionyx de Chine) ou de serpent mamushi (un vipéridé), ingrédients anciens et rares censés redonner de l'énergie.
Au-delà de la nostalgie qui affleure des boutiques aux enseignes parfois un peu bancales, des services sont adaptés aux personnes âgées. Au bureau de poste, on les invite à se méfier du furikomesagi, une escroquerie qui cible les personnes âgées en leur faisant croire au retour d'un enfant disparu qui aurait grand besoin d'argent. Le quartier accueille aussi des événements prisés par cette population grisonnante, comme des spectacles de rakugo – sketches mimés – ou de kabuki, un théâtre traditionnel.
▪ Par Philippe Mesmer (Tokyo, correspondance) 14.01.2014