Silver Economy : une opportunité pour nos territoires et pour la France, par Michèle Delaunay
Silver Economy : une opportunité pour nos territoires et pour la France,
par Michèle Delaunay
En France, les personnes âgées de 60 ans et plus, au nombre de 15 millions aujourd’hui, seront 20 millions en 2030. Le nombre de personnes âgées de 85 ans et plus sera multiplié par près de 4 en 40 ans passant de 1,4 à 4,8 millions d’ici à 2050. Notre société doit s’adapter, dès à présent, pour permettre à tous de profiter dans les meilleures conditions sociales, économiques et sanitaires de ce formidable progrès.
Nous devons aussi tout mettre en place pour améliorer l’espérance de vie sans incapacité et faire reculer la dépendance dite « évitable ». Certaines technologies pour l’autonomie contribuent à la prévention des chutes (et plus largement des accidents de la vie courante) et donc de la perte d’autonomie. Leur diffusion permettrait également de limiter le nombre d’hospitalisations indues, et ainsi d’augmenter les possibilités de soutien à domicile des âgés, d’apporter une qualité de vie lorsque la perte d’autonomie survient et de mieux soutenir les aidants familiaux.
Si la demande de soins, d’aménagement du domicile et de produits et de services liés à l’autonomie va doubler en l’espace d’une vingtaine d’années, toutefois, le périmètre de Silver Economy ne se limite pas au grand âge et à la dépendance. Par exemple, il s’agit aussi de sensibiliser les entreprises au fait que les jeunes seniors constituent une population nouvelle dont les comportements, les envies, les besoins et le rôle social sont encore trop peu pris en compte.
Sur le plan de la demande, et selon une enquête du Centre de Recherche pour l’Etude et l’Observation des Conditions de vie (CREDOC) de 2010, les seniors assureront une majorité des dépenses (54%) sur les différents marchés à compter de 2015 : 64% pour la santé en 2015, 60% pour l’alimentation, 58% l’équipement, 57% les loisirs, 56% des dépenses d’assurance… Ce sont les seniors qui déterminent une large majorité de la consommation française. Ces baby-boomers disposent globalement d’un pouvoir d’achat et d’une épargne qui dégagent un marché potentiel pour tous les secteurs de l’économie liée à l’âge : bien-être, adaptation et sécurisation du domicile, transports, loisirs, santé, équipements…
L’offre doit donc s’adapter considérablement pour répondre à l’ensemble de cette demande, générant ainsi des emplois et des relais de croissance importants pour l’économie française. La génération des baby-boomers (née entre 1945 et la fin des années 1960) est la première à accompagner ses parents dans le grand âge et la perte d’autonomie. Elle a la volonté d’anticiper son vieillissement et de ne pas se laisser surprendre.
L’économie liée à l’âge s’appuie ainsi à la fois sur l’industrie et les services.
Les services à la personne, sont générateurs à courte échéance d’emplois nombreux, non délocalisables, qu’il convient de rendre attractifs par la formation et le développement. La direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (DARES) estime que la Silver Economy peut entraîner 300 000 créations d’emplois nettes, donc en dehors des remplacements de départs en retraite, d’ici 2020. Il faudra une main d’oeuvre qualifiée disponible pour répondre à cette demande. Plus généralement, il nous faudra construire une réflexion pour que notre système de formation initiale et professionnelle permette d’orienter les jeunes et les salariés en reconversion vers les secteurs et les métiers d’avenir du fait de la Silver Economy. Une réflexion sur l’attractivité de cette filière est indispensable.
L’industrie se révèle à la fois productive (instruments et appareillages, domotique, dispositifs d’assistance…) et génératrice d’emplois techniques (vente, installation, maintenance de ces instruments). De nombreux secteurs seront largement impactés par la Silver Economy : tourisme, loisirs, aides techniques (prothèses auditives, par exemple…), BTP pour l’adaptation des logements, maisons intelligentes (ou « smart home »), avec une offre est très importante (téléassistance active ou passive, géo assistance, vidéo vigilance, télémédecine, parcours lumineux…), et plus largement la e-autonomie.
Ce champ constitue une opportunité pour nos entreprises et ceci d’autant plus que certaines sont d’ores et déjà très bien positionnées vis-à-vis de leurs concurrentes étrangères. La France dispose d’un avantage comparatif certain dans ce champ. Nos entreprises peuvent exporter ces technologies pour l’autonomie. Si nous parvenons à déployer une stratégie de croissance, la France sera en mesure de jouer un rôle majeur, en particulier au niveau de ses exportations (celles-ci ont progressé de plus de 50 % l’an dernier dans le champ des technologies pour l’autonomie). Nos entreprises sont dynamiques, ont déposé des brevets (parfois à l’échelle européenne), elles sont très compétitives sur leur segment de marché.
Il me paraît donc primordial de réunir toutes les conditions pour faire émerger une filière industrielle d’excellence liée à l’âge dans notre pays. Nous avons là devant nous un formidable gisement de croissance et d’emplois, dans un monde où les âgés comptent pour plus de 900 millions d’habitants sur notre planète. Ce chiffre ne saurait que progresser au cours des années et des décennies à venir.
Il s’agit de manière générale d’anticiper l’évolution des comportements des agents économiques lorsqu’ils vieillissent (en matière d’épargne et de consommation). De même, les habitudes de consommation (ainsi qu’un usage croissant des nouvelles technologies) des ménages devraient évoluer avec le vieillissement de la population. La politique macroéconomique gagnerait à intégrer une vision prospective des secteurs économiques qui seront gagnants, ou perdants, du fait de ce phénomène démographique.
J’ai rencontré toutes les grandes, moyennes et petites entreprises du secteur, les organisations patronales et syndicales, la Caisse des dépôts et consignations et la Banque publique d’investissement, les pôles de compétitivité... Tous s’intéressent à la Silver Economy et vont agir dans leur champ respectif.
Nous avons constitué un collectif d’acteurs qui réunit des entreprises, des syndicats représentatifs, des économistes, des financeurs (capitaux risqueurs)… Plus d’une centaine de personnes ont été identifiées et ont travaillé en relation avec mon cabinet, ils ont oeuvré ensemble au sein de groupes de travail sur différentes dimension de la Silver Economy pour lesquelles des freins au développement ont été identifiés : l’offre, la demande, la distribution, l’organisation, le financement en fonds propre, la communication, la labellisation. Nous devons les lever un à un.
Plus de 600 personnes ont participé au lancement de cette nouvelle filière industrielle : ils sont et seront des acteurs de la Silver Economy, ainsi que de nombreux acteurs qui ont vocation à nous rejoindre prochainement. Le lancement de cette filière de la Silver Economy ouvre un chantier passionnant et majeur. Je nous y invite collectivement à vous y impliquer fortement. J’y prendrai toute ma part avec Arnaud Montebourg, Ministre chargé du Redressement productif.
Par Senioractu.com, le Jeudi 2 Mai 2013