PRISMA, un modèle de prise en charge intégrée du grand âge

Publié le par Orgris

Pour répondre de manière continue aux besoins des personnes âgées en situation de dépendance d’un territoire et résoudre en particulier le problème de fragmentation du système de soins et de services en France, le Projet et Recherches sur l’Intégration des Services pour le Maintien à l’Autonomie (PRISMA) est une nouvelle méthode d’organisation visant à favoriser la coordination de tous les partenaires (médicaux, socio-sanitaires, hospitaliers, hébergement, pharmacies, services infirmiers et aide à domicile, réadaptation, etc.), autour de la personne. Une expérimentation menée sur un panel de sites contrastés, très urbain (Paris 20ème), urbain (Mulhouse), et rural (Sud d’Étampes, 91).

Au Québec, au début des années 1990, on fait le constat d’un nombre pléthorique d’institutions au service des personnes âgées. Ce diagnostic partagé par les professionnels, les pouvoirs publics, et les personnes âgées elles-mêmes encourage la recherche de solutions originales. En Estrie, région située au centre du Québec, le Système Intégré pour Personnes Agées fragiles (SIPA) est expérimenté entre 1990 et 2005. Il repose sur une modification en profondeur du système d'aide, allant dans le sens d’une plus grande intégration, en offrant un nouveau service : celui de la "gestion de cas". Le projet de modèle est lancé, accompagné de deux médecins qui étudient les impacts du changement de l’offre de soins. Un rapport est produit et largement diffusé. Son impact est considérable au point que la politique globale de l’Estrie s’approprie ce modèle en 1996. Ainsi naît l’idée de lancer l’expérimentation PRISMA en France en 2006 dans le cadre du plan « Bien vieillir », avec le soutien d’institutions nationales, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), la Direction Générale de la Santé (DGS), la Direction Générale de la Cohésion Sociale (DGCS, ex DGAS) et la Direction de l’Hospitalisation et de l’Organisation des Soins (DHOS).

Alliant volontairement recherche et action, l’expérimentation Prisma a lieu sur des territoires dont l’offre de service est contrastée (avec ou sans Clic, Ssiad, réseaux de santé, Hospitalisation à domicile, etc.). Elle est pilotée au niveau national par une équipe projet indépendante et pluriprofessionnelle (ingénieurs en organisation, gériatres et consultants), elle même accompagnée d’une équipe recherche pluridisciplinaire (médecins, sociologues et économistes). La méthode Prisma s’appuie sur trois mécanismes : la concertation, la "gestion de cas" (système de référent unique auprès de la personne), et la construction d’un circuit d’informations entre les services.

     Une concertation est mise en place à plusieurs niveaux :

- au niveau politique au sein d’un Comité départemental stratégique (Conseil général, DDAS, DRASS, ARH, URCAM, CRAV, CRAM, Mairie, représentants des médecins libéraux, représentants des usagers) ;

- au niveau opérationnel au sein d’un Comité local opérationnel (CCAS, SSDP, EMS APA, SSIAD, SAD, CLIC, Réseau de santé, HAD, CRAM, CRAV, représentants des libéraux et des usagers) ;

- au niveau «clinique», entre les professionnels intervenant autour de la personne.

Des "tables de concertation" impliquant les acteurs et les professionnels concernés, permettent d’échanger sur les ressources sanitaires et sociales et les missions des services existants. Cela favorise le décloisonnement entre les champs sanitaire et social et permet de développer une culture commune. Ils sont chargés de (re)définir ensemble et de rendre opérationnels des outils de travail et des mécanismes d’action communs favorisant une prise en charge continue de la personne. Ces outils sont :

- un processus d’évaluation multidimensionnelle ;

- un circuit d’informations déployé dans et par les guichets existants ;

- un processus d’évaluation continue qui comprend la mise en place d’une grille d’évaluation de l’implantation, outil synthétique dédié à l’étude de l’intégration (batterie d’indicateurs).

Ces temps de concertation visent la construction d’un processus unique d’accueil, d’information, et d’orientation, rendu possible grâce à l’identification des fonctions de coordination et la construction d’une analyse partagée des demandes des personnes âgées et de leur entourage, autour d’un référent unique.

     Une tête de réseau indispensable à une bonne intégration des services

La mission du référent est d’être un correspondant unique, responsable de la prise en charge globale de la personne tout au long de son parcours. On peut lui préférer le terme de "care manager" au sens de "prendre soin de". Interlocuteur direct de la personne et du médecin traitant, son champ d’action est donc aussi bien social que sanitaire. Il est responsable de l’évaluation des besoins de la personne, de l’élaboration et du suivi (révisions périodiques) de son plan de services individualisé. A ce titre, il est la tête de réseau indispensable à une bonne intégration des services. Il a un rôle de « catalyseur » de cette intégration, autant que celui du coordonnateur de Clic, mais davantage tourné vers le sanitaire – une mission qui rejoint celle des infirmières coordinatrices de réseau de santé gérontologique -. Le référent met sur pied une équipe pluridisciplinaire pour la prestation de services de proximité. Et, pour les autres types de services, il s’entend sur une base contractuelle, avec les établissements hospitaliers ou d’hébergement médicalisés, etc.

    La recherche au service de l’action : leviers et freins de la démarche d’intégration

Une équipe recherche accompagne l’évolution de ce modèle de réseaux intégrés basé sur la "gestion de cas". L’équipe recherche a choisi de faire une étude d’implantation – et non d’impact -, appliqué aux trois sites. Elle s’est faite sur la base d’une étude triangulaire de données, à partir d’entretiens individuels semi-directifs, d’observations participatives de la concertation, d’observations sur place du guichet unique et de la gestion de cas, et de l’analyse de dossiers de gestion de cas anonymisés. Son analyse montre que la mise en place d’un tel projet implique la constitution d’une équipe projet dédiée et extérieure au site. La force de ce modèle d’organisation réside dans sa capacité à concilier les exigences de l’organisation et du financement des services avec la dynamique locale. Une des clés de la réussite réside dans une forte implication du Conseil général dans ses dimensions politique et administrative, et l’importance de la communication du politique autour d’un tel projet.

La réussite de l’implantation tient à la force et aux compétences des équipes locales, capables d’affronter les risques financiers et cliniques inhérents aux services qu’ils procurent. Cela suppose de dépasser les difficultés liées au financement du poste de référent - dont il ressort une véritable plus-value - et de travailler au niveau territorial. Car la capacité de gestion des Prisma doit être suffisante pour :

- faire émerger, avec les acteurs, un diagnostic initial sur la situation problématique à transformer (identifier les besoins des personnes âgées du territoire) ;

- assurer le fonctionnement en multidisciplinarité des équipes de prestataires, et gérer les relations contractuelles avec les établissements ;

- co-construire des principes d’action communs dans le but de constituer une identité commune d’acteur collectif au service des personnes (référentiel commun) ;

- transformer la réalité et produire les connaissances relatives à ces transformations. En effet, les résultats de recherche sont produits et discutés en continu de façon à favoriser critique et appropriation et à permettre une modification de l’action si nécessaire.

Cette évaluation continue a permis de déceler les freins et les leviers de cette démarche d’intégration et de travail en réseau.

Il s’agit d’une méthode et non pas d’un modèle clé en main, qui doit jongler avec des dispositifs de coordination récents (CLIC, réseaux) et dépasser une certaine résistance au changement qualifiée de "fatigue à l’innovation", dans un champ en perpétuel mouvement (contexte de grandes réformes législatives HPST, ARS, 5ème risque). Car, il a été démontré que le contexte gérontologique joue dans la réussite ou non de l’implantation, soit parce que la fragmentation institutionnelle est forte, ce qui implique un travail d’organisation et de coordination plus poussé, soit parce que le turnover institutionnel est important.

Quant à la méthode, la recherche-action est entourée d’ambiguïtés qu’il faut apprendre à résoudre (manque de temps réservés à présentation et discussion). Mais celle-ci est indispensable et continue, avec de nouveaux objets d’étude. En septembre 2009, une étude est lancée, plus ciblée sur le vécu des personnes âgées réellement isolées, à partir d’un échantillon de petite taille.

     Impact(s) :

Une intégration des services qui entraîne des décloisonnements cliniques, et une co-construction verticale positive pour :

- donner aux responsables locaux sanitaires et sociaux toute la flexibilité requise pour offrir une gamme de services variés aux personnes âgées (et le travail des référents modifie sensiblement les pratiques professionnelles);

- trouver la démarche de formalisation des pratiques de coordination, et de standardisation des interventions avec les craintes liées au besoin rationalisation.

Les enseignement tirés peuvent servir à tout type de démarche en réseau, et dans le même sens, aux Clic et à tout type de réseau de santé ou gérontologique. Ce travail de réseau autour de la personne âgée en situation complexe a d’ailleurs préfiguré le nouveau dispositif des Maison pour l’autonomie et l’intégration des malades Alzheimer (MAIA) piloté par la CNSA, qui ne sont pas un dispositif de plus mais bien une nouvelle forme d’intégration des services et de renouvellement des modes de coopération. Deux sites Prisma dont le taux d’implantation était élevé sont entrés en octobre 2008 dans l’expérimentation MAIA portée par la CNSA (mesure 5 du plan Alzheimer). http://www.cnsa.fr/rubrique.php3?id_rubrique=139

 Info venant d'Apriles, Agence des pratiques et initiatives sociales.

Contact : Lorrain Béatrice

http://www.apriles.net/index.php?option=com_sobi2&sobi2Task=sobi2Details&catid=3&sobi2Id=1397&Itemid=95

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