Pourquoi et comment recruter des personnes en insertion dans les services à la personne

Publié le par Orgris

La question qui se pose aux encadrants et dirigeants des services à la personne pour construire des liens avec le « monde » de l’insertion est la suivante : « doit-on, a-t-on les moyens de prendre le risque de faire travailler des personnes supposées « fragiles » puisque répertoriées en insertion, dans des lieux isolés de travail, en l’occurrence le domicile de particuliers, auprès de personnes également fragiles ? Doit-on faire du social avec nos salariés ? Est-ce le rôle d’un employeur dans le secteur des SAP ? ».

La méconnaissance de ces publics, la stigmatisation qui en est faite les écarte fréquemment de l’accès à l’emploi dans les services à la personne. Ces représentations négatives font obstacle à la découverte de compétences existantes, mais non visibles, non révélées, tant l’estime de soi des personnes dites en insertion a été le plus souvent mise à mal.

Pourtant, les situations de vie qui sont les leurs, cumulées aux activités professionnelles exercées dans des structures d’insertion (régie de quartier, associations intermédiaires, entreprises d’insertion..) les mettent à rude épreuve et les amènent, à leur insu, à savoir gérer des situations complexes ; les activités proposées dans ces structures consistent souvent à réparer ce que d’autres ont cassé , ont sali, ont même « dégueulassé » (nettoyer les cages d’escalier d’une HLM essaimées d’excréments et urines humains, nettoyer les tags sur les murs des collectivités, ramasser les papiers, mégots, sacs en plastique dans les espaces publics....). Comment penser que ces tâches ne nécessitent pas, en dehors de compétences techniques, une force mentale et une maîtrise de soi importantes, une capacité à s’adapter, à intégrer des notions de sécurité et d’hygiène pour soi dans le travail (port de gants, de masque, éventuellement, utilisation de produits adaptés...°), une endurance à faire ces tâches de façon répétitive, sans forcément percevoir d’amélioration dans le respect de leur travail.

Ce qui manque souvent dans les structures de l’IAE, c’est la reconnaissance du développement de ces compétences pour que les personnes puissent se les approprier et les mobilisent de façon consciente, et sachent les valoriser face à un employeur.

Faire l’expérience de ces « sales boulots » devrait en effet être reconnu comme une force et ne retrouve-t-on pas là des compétences recherchées chez des intervenants à domicile ?

Pour ne pas se priver de cette source de recrutement, (qui est mobilisée souvent aujourd’hui en dernier recours), les dirigeants doivent de leur côté déployer des compétences managériales qui favorisent une organisation apprenante du travail, c’est-à-dire qui s’appuie sur les situations de travail qui amènent le salarié à déployer peu à peu ses compétences, à prendre confiance en lui...

Le développement du tutorat dans les organisations de travail est également une façon de favoriser l’intégration progressive des nouveaux recrutés, qui plus est, quand ils ont été coupés du monde du travail et de ses contraintes, pendant un temps conséquent.

Bien sûr, cela ne s’improvise pas. Il s’agit bien d’une démarche managériale et d’accompagnement volontariste, décidée, choisie et portée par le ou les dirigeants de la structure de services à la personne, quelle qu’ elle soit, .intégrant toujours la prise de risques…mais des risques toujours calculés, mesurés et évalués dans la durée.

La seule volonté d’un dirigeant ne suffit pas aux personnes dites en insertion pour réussir leur intégration professionnelle ; c’est bien toute une équipe, avec un référent explicitement nommé , reconnu et compétent, qui doit s’engager dans cette démarche d’accueil, d’accompagnement en se laissant surprendre quelquefois par la rapidité de l’adaptation, la découverte de qualités jusque là invisibles ou encore les témoignages des bénéficiaires de services : « je ne sais pas comment vous l’avez recrutée, mais une perle comme çà, je veux surtout pas la perdre… en plus de l’entretien de la maison, elle me fait découvrir plein de nouveaux plats et surtout me fait beaucoup rire… ».Il ne s’agit pas là d’idéaliser les personnes en insertion, mais de veiller à ne pas les exclure parce qu’elles sont dans des réseaux relevant de l’IAE.

Pour finir, ce témoignage d’un directeur d’entreprise de services à la personne, encore tout étonné devant les qualités et ressources insoupçonnables de ses derniers stagiaires, qu’il entend bien embaucher à la fin de leur formation de conducteur – accompagnateur : « comme beaucoup de personnes et responsables d’entreprise, je n’avais des a priori et je ne pensais pas avoir le temps suffisant à consacrer à des stagiaires en formation , après un long parcours en insertion et éloignés de l’emploi « standardisé » (règles de présentation, de ponctualité, capacité à s’engager dans la durée, confiance réciproque,…). Dans mon métier de transport de personnes dépendantes et handicapées, je dois m’engager chaque jour et dans la durée auprès de mes clients ; nous emmenons par exemple des enfants et étudiants handicapés chaque jour dans leur école. Il faut être à l’heure, savoir anticiper, gérer son itinéraire, développer une relation de confiance avec les personnes, rassurer, gérer son planning. Je suis obligé de faire confiance…je ne peux pas appeler chaque matin pour vérifier si chacun est bien à sa place… En plus, ce qui représente beaucoup pour une personne dite en insertion, c’est le fait de lui confier le volant d’une voiture souvent neuve, l’entretien de la voiture (propreté, confort pour la personne transportée,…). Un vrai pari mais aussi quelle reconnaissance, quelle valorisation pour la personne qui tout à coup se retrouve en situation de responsabilité… ».

Par Micheline MAUDUIT Directrice de formation – Consultante

http://brigittecroffconseil.com/newsletter_le-sujet-du-mois_3.html

publié dans La Newsletter N° 17 du Cabinet Brigitte Croff Conseil et Associés

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