Les CLIC, acteurs du développement social local
PAR HERVE CARRE. CONSULTANT
dans la Newsletter du Cabinet Brigitte Croff Conseil et Associés de septembre
Notre décennie est le théâtre de mutations profondes de la société contemporaine et notamment d’une véritable révolution démographique sur l’ensemble des territoires de vie. Car si jadis le vieillissement démographique était plutôt concentré dans les espaces ruraux, il « affecte également, avec force et inéluctablement, les espaces urbains »1.
Le moment est propice pour une remise à plat des politiques d’aménagement du territoire et de développement local en y incluant la volonté de construire un vivre ensemble qui préserve la diversité des âges. La qualité du vivre ensemble, la solidité du lien social sont d’abord et principalement l’affaire des territoires de proximité : communes et intercommunalités. Elles disposent de tous les leviers de l’implication des habitants, à travers l’aménagement du cadre de vie, l’animation sociale, culturelle et sportive.
Il faut aussi réinterroger les réponses en terme d’établissements et de services spécifiques et les modalités d’accompagnement réalisées par les acteurs médico-sociaux auprès des personnes âgées, et particulièrement celles qui perdent leur autonomie. Ces initiatives spécialisées ne peuvent plus se suffire à elles mêmes car la part des personnes en perte d’autonomie ne cessant de progresser, elles interpellent l’ensemble des politiques de déplacement, d’habitat, de soins, d’implantation de commerces et de services de proximité.
Pour répondre à ces défis, les CLIC doivent prendre toute leur place pour encourager la mobilisation des acteurs locaux. Situés à l’interface de l’ensemble des problématiques du développement local, ils peuvent contribuer à l’animation des territoires pour trouver un équilibre entre la réflexion stratégique et la gestion des situations individuelles. La mission de coordination des CLIC permet d’inscrire la problématique du vieillissement dans la définition des priorités et l’agenda des élus et des acteurs de l‘aménagement du territoire. En retour, cette coordination peut également influencer la réflexion et les pratiques des spécialistes gérontologiques qui se laissent parfois enfermer dans le huis clos de la relation d’aide.
Mais l’animation du développement social local ne se décrète pas. Plusieurs conditions sont nécessaires pour que les CLIC soient investis comme levier dans ce développement.
1. Observer les fragilités et en faire partager le diagnostic au profit du projet de territoire
Grâce à la réalisation d’un diagnostic du territoire on peut mettre en évidence les faiblesses et les potentialités de l’offre de services, du réseau des transports en commun, de l’offre de logements, du développement de l’emploi, des lieux d’échange et de brassage social… En conjuguant cette connaissance avec une approche fine des mouvements démographiques, et en particulier de l’accroissement du nombre de personnes en perte d’autonomie, les CLIC peuvent devenir contributeurs du projet de territoire et de sa dimension programmatique. Il est plus pertinent de prendre en compte le vieillissement démographique dans le projet de territoire plutôt que de créer une portion de projet, spécifique aux individus âgés. La vitalité de la vie culturelle et sportive contribue tout autant au bien vivre ensemble que l’offre de suivi social et de soins. Penser des territoires plus accessibles, plus accueillants pour les vieux est bénéfique pour l’ensemble de la population. Telle pourrait être la finalité d’une démarche d’observation portée par les CLIC.
2. Articuler la mission d’accueil, d’information et d’orientation est indissociable de la participation des usagers des CLIC
Si la qualité de l’accueil du public dépend de la manière de concevoir l’aménagement des locaux pour préserver la confidentialité et garantir l’accessibilité, on peut concevoir une fonction d’accueil physique et téléphonique qui ne soit pas exclusivement portée par des salariés et conçu sur le modèle de la consultation médicale. La présence complémentaire de personnes âgées considérées comme « experts » de leur propre vécu, permet aux personnes accueillies de reconnaître la diversité des parcours de vie, et de comprendre par les témoignages qui en sont faits, que la poursuite du projet de vie ne dépend pas seulement d’une forme de consultation individualisée mais peut s’élaborer dans l’échange de points de vue et le tâtonnement partagé. Des modalités différentes d’accueil sont possibles et leur traduction ne dépend pas seulement des experts gérontologiques mais aussi des ressources du territoire.
En matière d’information et d’orientation, la production de documentations précises est indispensable pour garantir la liberté de choix. On peut toutefois imaginer l’instauration d’informations collectives et de temps de consultation des usagers et de leur entourage, pour actualiser l’information mais surtout apprendre à aller au devant de ceux qui sont isolés. Par exemple le CLIC Loire Authion a décidé d’instaurer dans chacune de ses 3 Communautés de Communes, des temps de dialogue avec la tranche d’âge 60/75 ans pour repérer les besoins des personnes âgées et prévenir le vieillissement. Car comme en témoigne le directeur du CLIC de l’agglomération Lilloise, « …Il est difficile de trouver des réponses «toutes faites » …ce qui nécessite un travail de concertation et de propositions entre tous les acteurs engagés… ». La qualité de l’aide doit reposer sur la reconnaissance et le respect des droits de l’usager, et ce d’autant plus que sa perte d’autonomie le fragilise.
3. Coordonner la diversité des acteurs en animant un dialogue territorial permanent
Si une coordination entre professionnels du soutien à domicile, de l’hébergement et de tous les acteurs de la sphère gérontologique est impérative autour des situations individuelles complexes, elle l’est également à toutes les étapes du parcours de la personne âgée. En prenant appui sur la notion de parcours, apparaissent alors les questions de l’habitat, des déplacements, de l’offre de loisirs, de la présence des petits enfants, du besoin de répit, d ‘écoute… On ne peut donc pas réduire l ‘effort de coordination à la coopération entre les intervenants sociaux et médico-sociaux. L’animation du dialogue doit tenir compte du territoire considéré, de son histoire, de sa dynamique de développement et des multiples acteurs qui en apparence n’ont pas de lien avec la question du vieillissement mais qui contribuent pourtant à une meilleure prise en compte des fragilités des personnes vivant sur le bassin de vie. Dès lors la coordination ne constitue pas seulement un moyen de consolider un réseau de spécialistes mais de jeter les passerelles entre ce réseau et les autres acteurs du territoire. La coordination aide alors au décloisonnement et prévient contre l’isolement des intervenants sociaux et médico-sociaux. Car l’évolution du nombre de personnes en perte d’autonomie n’appelle pas seulement à la présence de prises en charges individualisées mais exige une évolution des structures du cadre de vie : l’urbanisme, les déplacements, l’habitat, l’implantation des services et des commerces.
En réunissant ces trois conditions, les CLIC acquièrent leur pleine légitimité auprès des élus locaux qui peuvent alors faire alliance avec le CLIC comme levier du développement social local et obtenir des conseils généraux qu’ils apportent les impulsions nécessaires à la mise en oeuvre des réponses nouvelles, adaptées, aux besoins de tous les territoires impactés par les effets du vieillissement
1 Jean-François Ghékière, La distribution des âges dans la ville. Le vieillissement des espaces urbains conçus pour des populations jeunes. Les annales de la recherche urbaine n° 100 juin 2006
La Newsletter N° 15 du Cabinet Brigitte Croff Conseil et Associés
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Donc ça doit s'intégrer dans les dynamiques des Pays !!