La baisse du chômage des seniors commence par l'amélioration des conditions de travail
La baisse du chômage des seniors commence par l'amélioration des conditions de travail
Pour faciliter l'emploi des seniors, deux chercheurs du Centre de recherches sur l'expérience, l'âge et les populations au travail (Créapt), Serge Volkoff et Anne-Françoise Molinié, ont identifié des marges de progrès possibles. Ils ont étudié les liens entre conditions de travail et « soutenabilité » après 55 ans, en Europe. Le travail au-delà de cet âge dépend largement, expliquent-ils, de l'aménagement des horaires, des carrières et de la réduction des contraintes de rythme et de pénibilité.
Le « mauvais » ou « très mauvais » état de santé des salariés double pratiquement entre les tranches d'âge 40-44 ans (20 %) et 55-59 ans (37 %), indique l'étude réalisée en septembre 2013 et publiée début janvier, qui ne constate pas de politique protectrice des seniors sur la question de la pénibilité. Or, « la mauvaise santé des 50-59 ans apparaît associée, entre autres, aux postures pénibles », mais aussi « au manque d'entraide entre les collègues, au manque de perspective de carrière, ainsi qu'au mauvais ajustement des horaires à la vie hors travail. »
« MISE À L'ABRI »
Une protection des seniors, une « mise à l'abri », selon leurs propres termes, a toutefois été amorcée en Europe, indique l'étude publiée par le Centre d'études de l'emploi, réalisée sur la base de l'enquête quinquennale de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Enquête européenne sur les conditions de travail).
Mais elle concerne essentiellement les contraintes de temps et de cadences. « Pour les hommes comme pour les femmes, la probabilité d'avoir des cadences de travail élevées au moins la moitié du temps recule de quinze points entre la tranche d'âge 50-54 ans et celle de plus de 60 ans », notent les chercheurs. « Le travail de nuit recule de plusieurs points à partir de 55 ans » et « le travail à temps partiel (moins de 35 heures) est un peu plus fréquent après 50 ans ».
Le cas de la France confirme cette tendance : « En 2012, les seniors occupant un emploi [ont travaillé] un peu plus souvent à temps partiel que l'ensemble des actifs occupés », indique la Dares. Les changements récents ne sont pas à chercher du côté des femmes. La proportion des femmes travaillant à temps partiel a peu varié de 2003 à 2011 pour les 55-64 ans. En revanche, « après être restée globalement stable de 2003 à 2008, la proportion d'hommes travaillant à temps partiel a augmenté de 2009 à 2012 ».
LES FRUITS DU CHANGEMENT
Les fruits de ces changements apparaissent dans l'amélioration constatée du taux d'emploi des seniors. En France, « en 2011 et 2012, le taux d'emploi des seniors âgés de 55 à 64 ans a progressé deux fois plus vite que de 2007 à 2010 », a indiqué, lundi 6 janvier, le ministère du travail. A 44,5 % en 2012, il a même davantage augmenté que dans la moyenne des pays européens.
Mais ne nous leurrons pas : le taux d'emploi n'a toujours pas atteint l'objectif de 50 %, fixé pour tous les pays de l'Union européenne. Et la hausse du nombre de seniors dans la population en âge de travailler se traduit en fait par une hausse simultanée du taux d'emploi et du taux de chômage. « Pour un groupe d'âge, on peut effectivement avoir à la fois le taux de chômage qui augmente et le taux d'emploi qui augmente, si le taux d'activité augmente suffisamment », explique l'économiste Yannick L'Horty.
Ainsi, « de début 2003 à fin 2012, le taux de chômage des seniors est passé de 5,1 % à 7,4 %, le nombre de chômeurs âgés de 55 ans et plus a augmenté de 157 % ! Et il leur est de plus en plus difficile de retourner sur le marché du travail », note la Dares. Il est donc urgent d'agir sur l'amélioration de la qualité de vie au travail pour soutenir l'emploi des seniors.
LE MONDE | 08.01.2014 à 18h22
Par Anne Rodier