Jardin'âge: les cultures du cœur – Pays de la Loire - 44
Jardin'âge: les cultures du cœur – Pays de la Loire - 44
« Mon père m’a transmis depuis toute petite le goût du jardinage mais comme j’habite en logement collectif, être dehors me manquait. Le centre social m’a mis en contact avec un monsieur de 95 ans. Depuis que sa femme est morte, plus personne n’entretenait son jardin. Il est content quand la pelouse est tondue. Il attend mes visites et moi aussi je rencontre du monde lors des réunions avec les autres jardiniers » - Madeleine, retraitée célibataire et jardinière depuis 3 ans
Afin de lutter contre l’isolement des personnes âgées en perte d’autonomie et de permettre à des personnes retraitées de conserver ou retrouver une utilité sociale, Jardin’âge propose à des amateurs sans jardin de s’occuper de celui de personnes âgées devenues incapables de l’entretenir. Sans se substituer à l’entourage, ni concurrencer les professionnels, cette activité partagée permet non seulement de créer du lien entre accueillants et jardiniers, mais également de développer les solidarités de proximité et de promouvoir, dans une logique intergénérationnelle, une culture de l’écologie et du développement durable.
Origine(s) :
Jardin’âges est né de la rencontre entre deux constats. En 2008, le Conseil général de Loire-Atlantique est interpellé par le nombre important de personnes âgées, qui dans le cadre d’une demande d’Aide Personnalisée à l’Autonomie (APA), manifestent le désir d’avoir une aide pour entretenir leur jardin, demande qui ne rentre pas dans le champ de compétence de la prestation. Une enquête menée alors sur le territoire Sud Loire de l’agglomération nantaise confirme le lien affectif fort de ces personnes âgées pour leur jardin et les conséquences de leur déshérence sur l’état général de leurs propriétaires. Dans le même temps, le centre social de l’Allée verte, implanté dans un quartier d’origine populaire de cette partie de l’agglomération, observe que la liste d’attente qu’il gère pour les jardins familiaux s’allonge et que la durée d’attribution peut atteindre 4 ans, alors que de plus en plus en de personnes âgées vivent seules dans des petits pavillon dont elles n’ont plus la force ou les moyens d’entretenir les jardins. Le Conseil général réunit alors un collectif, composé d’associations partenaires du Département (acteurs du service à la personne et du soutien à domicile, de la médiation, de l’économie sociale et solidaires), et de représentants des services personnes âgées ou des CCAS de villes de l’agglomération (Saint-sébastien sur Loire, Rezé, Vertou, Nantes). Pendant 10 mois, le collectif conduit une démarche d’évaluation et d’élaboration du projet, afin de définir la forme que pourrait prendre l’action, de lever les obstacles juridiques, de poser les limites pour ne pas entrer en concurrence avec le secteur marchand et d’arrêter les principaux objectifs : lutter contre l’isolement et permettre le maintien à domicile des personnes âgées ; développer le lien social et les réseaux de proximité ; encourager une pratique écologique du jardinage, par l’échange de savoirs. A l’issue de ces dix mois, le portage du projet est confié au centre social de l’Allée verte dont le territoire et le projet social s’intègre parfaitement dans la démarche. Charge à lui de construire et d’expérimenter pendant un an le projet Jardin’âge , accompagné par un groupe de suivi, constitué des partenaires. Un animateur, disposant à la fois de connaissances du public âgé et du jardinage est recruté pour accompagner, à 75% de son temps, le déploiement du projet. Jardin’âge est alors officiellement lancé en 2011, et l’information est relayée par les partenaires auprès de leurs publics, mais aussi par les caisses de retraite, par les jardins auprès des jardiniers en attente de parcelles et par les médias.
Description détaillée :
Dès la première année, le dispositif rencontre son public : 43 accueillants potentiels et 40 jardiniers en attente sont rencontrés par l’animatrice pour aboutir à la création de 25 binômes, un chiffre considéré aujourd’hui comme un seuil pour assurer un suivi de qualité. L’accompagnement des participants est en effet considéré comme l’une des clefs de réussite du dispositif Dans un premier temps, un entretien individuel est réalisé avec chacun des potentiels participants. Pour les accueillants, préalablement ciblés en fonction de leur état de fragilité (santé, isolement) et de leur revenu (ils ne doivent pas être en mesure de financer l’intervention d’un service de jardinage), cet entretien a lieu à leur domicile. Ce sont principalement des femmes seules, le plus souvent veuves, très attachées au jardin que leur mari entretenait. Le plus âgés de ces accueillants est âgé de 96 ans, mais la majorité a entre 80 et 90 ans. Les jardiniers sont eux reçus au centre social. Ce sont principalement des jeunes retraités qui trouvent dans cette activité une nouvelle utilité sociale, mais également des familles avec enfants, dont certaines étrangères et pour qui la relation en binôme et la participation aux actions collectives développées autour de Jardin’âge constituent un facteur d’intégration. Ce temps d’échange, sur la base d’un questionnaire semi-directif, permet d’évaluer les attentes et les besoins de chacun et de cerner rapidement certains traits de personnalité, mais aussi d’évaluer la faisabilité du projet dans l’environnement des « candidats » (disponibilités, localisation géographique, mobilité…. (voir la video )
Sur la base de ces entretiens, l’animatrice effectue ensuite la création des binômes et organise, en sa présence, une première rencontre entre l’accueillant et le jardinier au centre social. Elle est l’occasion de vérifier l’adhésion du binôme aux valeurs de l’action et de poser le cadre de la relation. Lors de l’année d’expérimentation, les participants signaient une simple charte mentionnant les valeurs de l’association, les objectifs de l’action, la souscription à une assurance responsabilité civile et l’autorisation de l’accueillant. Depuis, une convention a été mise en place avec l’aide d’un juriste, signée par les trois parties : elle peut simplement concerner la mise à disposition d’un emplacement au sein d’un jardin et permet alors de cadrer l’utilisation de la parcelle prêtée ; elle peut également porter sur l’entraide bénévole, si le jardinier souhaite donner un coup de main à l’entretien du jardin de l’accueillant. De plus, si à l’origine la participation au projet n’impliquait qu’une adhésion au centre social, entre 5 et 10,50 euros par an en fonction du quotient familial, depuis 2013, afin de conforter le modèle économique du projet, une cotisation est demandée : de 5 euros forfaitaires pour le jardinier, elle est comprise entre 3,20 et 36 euros par an, selon les revenus, pour l’accueillant. Le travail de l’animatrice ne s’arrête pas à cette mise en réseau. Elle va ensuite accompagner le binôme afin que la dynamique initiale ne s’épuise pas et encourager le jardinier à s’investir dans des actions collectives au sein du centre social. Elle peut également être conduite à intervenir comme médiatrice en cas de désaccords entre l’accueillant, voire sa famille, et le jardinier. Une évaluation est effectuée chaque année, et la convention peut-être réajustée à son renouvellement au bout d’un an. 50% des binômes se maintiennent cependant dans la durée. Pour les autres les raisons de rupture sont variables : mésentente, décès de la personne âgée, déménagement du jardinier ou reprise d’activité… mais la majorité restent dans le réseau et constitue un nouveau binôme. Cette fidélité au dispositif est également perceptible dans l’assiduité des jardiniers : plus d’un tiers se rendent chez leur binôme tous les jours et la moitié au moins une fois par semaine. Après 3 ans d’existence, ce qui apparaissait au départ comme une action reposant sur de la relation interindividuelle a débouché sur une véritable dynamique collective. Certes, les personnes âgées sont les bénéficiaires directes de Jardin’âge : qu’elles ne fassent que quelques pas dans leur jardin ou échangent quelques mots avec le jardiniers, leur santé mentale et physique en est améliorée et elles retrouvent le sourire à voir leur parcelle entretenue. Autant de facteur de maintien dans l’autonomie. Mais surtout, la solidarité entre habitants s’est développée. Entre jardiniers tout d’abord, qui se donnent réciproquement des coups de main. Entre accueillants également, qui se reçoivent à l’occasion d’un goûter commun et sortent ainsi de leur isolement. Mais surtout, au sein même du centre social, Jardin’âge a été le moteur de nouvelles initiatives portées par les habitants. Un groupe de bénévoles s’est créé, constituant un vivier de nouveaux adhérents pour le centre social, et a mis en place un rendez-vous des jardiniers (participants ou non à Jardin’âge) qui promeut des pratiques écologiques et favorise l’échange de savoirs ; un jardin pédagogique a été développé avec l’association des jardins familiaux et ouvert aux enfants ; une serre partagée a été construite afin de favoriser la production de plants pour les jardiniers et la préservation de la biodiversité ; la création d’une outilthèque est en projet… Un groupe de réflexion autour du vieillissement s’est également constitué. Autant d’actions collectives qui concourent à la création de lien, dans une logique d’intergénération, de développement social et de développement durable. Aujourd’hui, la priorité de Jardin’âge est de réussir à pérenniser son modèle économique et à maintenir et développer la dynamique collective impulsée par l’action. L’essaimage du projet sur d’autres territoires de l’agglomération et du département est à l’étude et pourrait permettre de valoriser financièrement l’expertise développée par le centre social. Enfin, le centre social souhaiterait également qu’une étude sur les impacts de l’action puisse être conduite afin d’en objectiver les bénéfices auprès des partenaires.
Impact(s) : - Répondre aux besoins des personnes âgées par rapport à l’entretien de leur jardin et des personnes en attente d’une parcelle à cultiver. - Rompre l’isolement et prévenir la perte d’autonomie des personnes âgées. - Créer des solidarités de voisinage. - Favoriser l’émergence d’une dynamique collective au sein du quartier. - Développer un réseau d’échange de savoirs. - Permettre la mise en synergie de compétences professionnelles et bénévoles sur un territoire. - Encourager le lien social et intergénérationnel.
Partenaire(s) : Les membres du comité de pilotage : Conseil général de Loire-Atlantique, AAFP CSF (association d’aide familiale populaire), ADAR (association d’aide à domicile), associations le Temps pour toit et Nantes’renoue, villes de Nantes, Saint-Sébastien-sur-Loire et Vertou.
Moyens : Financiers : - Le budget de l’action Jardin’âge s’élève à 34 500 euros en 2012 Humains : - Une animatrice (0,75 ETP). - Un comité de pilotage. - Trois groupes de suivi : sur l’information et l’évaluation (2 fois par an), sur les axes de développements (7 fois par an environ), sur le bilan et l’évaluation auprès des partenaires (1 fois par an).
Contact : Centre socio-culturel de l’allée verte
Béatrice Blanchard, directrice, 02 40 33 16 88
bblanchard@alleeverte-csc.asso.fr ; www.alleeverte-csc.asso.fr
Paru dans Apriles du 2014-05-26 Mis à jour le: 27-02-2014
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