De plus en plus de retraités reprennent le chemin de l'emploi
De plus en plus de retraités reprennent le chemin de l'emploi
Un sémillant sexagénaire qui enchaîne les pompes en short et baskets. Drôle d'effigie pour un centre d'appels... Alors que la plupart de ses concurrents n'embauchent que des étudiants, la société niçoise Convers Télémarketing a fait de l'emploi des seniors son fonds de commerce.
"Dans la plupart des plates-formes d'appels, les opérateurs défilent sans jamais monter en compétences", déplore son cofondateur et directeur général, Philippe de Gibon. "Dès la création, en 1998, nous avons choisi d'orienter notre politique de recrutement vers les mamans en retour à l'emploi et les seniors."
Sur 230 employés, 39 sont ainsi âgés de plus de 50 ans et 16 de plus de 62 ans. Parmi eux, Jean-Pierre Leroy, ancien de l'armée de terre, a décroché ses galons de téléconseiller en novembre 2011. Salaires légèrement supérieurs à la convention collective, horaires à la carte, la formule semble payante. Convers affiche un turnover de 8 %, contre 18 % en moyenne dans le secteur, et un chiffre d'affaires de 7,5 millions d'euros en 2012.
"Les retraités actifs ne sont peut-être pas les champions de la rapidité, mais ils sont fiables, ponctuels, rassurants et rompus à la vie d'entreprise", souligne le directeur.
Des qualités plébiscitées dans le transport, le secrétariat ou la comptabilité. Présidente et fondatrice des éditions Fei, Ge Fei Xu, 33 ans, vient ainsi d'embaucher un comptable pensionné. "Chez nous, en Chine, l'âge est synonyme de sagesse, explique-t-elle. Ce qui compte avant tout dans le travail, c'est le savoir que les gens détiennent. Peu importe qu'ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes, Blancs ou Noirs."
500 000 RETRAITÉS CUMULAIENT UNE PENSION ET UN EMPLOI EN 2011
Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales publié en juillet 2012, 500 000 retraités, sur un total de 15 millions, cumulaient une pension et un emploi en 2011, dont pas moins de 310 000 pour le seul régime général des salariés du privé, soit trois fois plus qu'en 2005. Pourtant, chez les 55-64 ans, le taux d'emploi reste en deçà de la moyenne européenne.
En 2011, il ne dépassait pas les 41,4 % en France, contre 47,4 % en moyenne dans l'Union européenne.
"Paradoxalement, les salariés seniors ont souvent droit à davantage de reconnaissance professionnelle une fois qu'ils ont pris leur retraite que lorsqu'ils ont encore les deux pieds dans l'entreprise", indique le sociologue Serge Guérin, professeur à l'ESG Management School de Paris.
Leader mondial des infrastructures de transports, Systra, une filiale commune de la RATP et de la SNCF, n'hésite pas à solliciter régulièrement l'expertise de ses retraités sur les chantiers."En ingénierie ferroviaire et urbaine, il n'existe aucun diplôme, rappelle Nelly Demmerlé, responsable relations sociales et droit du travail.L'expérience des anciens se révèle donc très précieuse."
En trois ans, le groupe Euro Disney a, lui, embauché pas moins de 30 retraités en CDD ou CDI, dont 25 ex-employés. C'est ce qui a permis à Denis Cambon, 64 ans, de rempiler en CDD au service informatique, six mois après son pot de départ en avril 2012. Laoussine Bari, 66 ans, continue, lui, d'exercer ses fonctions d'hôte de propreté tous les week-ends. "J'aime former les jeunes, côtoyer le public... Tant que je serai en bonne santé, je continuerai à travailler. Ce n'est pas une question d'argent", confie-t-il.
PAS TOUJOURS UNE SINÉCURE
Ce n'est pas le cas de la majorité des retraités de retour sur le marché de l'emploi. "En 2012, 7 % des retraités âgés de 60 à 69 ans ayant travaillé après 50 ans occupent un emploi. La moitié d'entre eux déclarent travailler principalement parce que leur retraite ne suffit pas pour vivre", indique une note de l'Insee publiée le 7 juin.
Le monde du travail n'est pas toujours une sinécure pour les retraités. Dans la distribution directe de prospectus, notamment, les contentieux pleuvent. "Les deux poids lourds du secteur, Adrexo, filiale de Spir Communication appartenant au groupe Ouest-France, et Mediapost, filiale du groupe La Poste, utilisent la préquantification du temps de travail, explique Hugo Reis, secrétaire fédéral à SUD-PTT. Ce système dérogatoire du code du travail leur permet d'évaluer en amont la durée du travail de leurs salariés en fonction du nombre de prospectus à distribuer."
Sauf que le temps de travail prédéfini est toujours largement inférieur au temps de travail effectif. Résultat : les retraités qui espéraient compléter leur pension se retrouvent à devoir utiliser leur véhicule personnel pour une rémunération dérisoire. Pas exactement des privilégiés...
Elodie Chermann, | 10.06.2013