À la (re)découverte des logements-foyers, une enquête CNAV en Île de France

Publié le par Orgris

À la (re)découverte des logements-foyers, une enquête CNAV en Île de France 

Entre le logement ordinaire et la maison de retraite, souvent médicalisée, se situe l’habitat intermédiaire. Ses composantes sont multiples, mais les logements-foyers en constituent une part importante. Avec près de 110 000 places en France (Drees, 2013) ils conjuguent appartements privatifs et espaces collectifs avec des équipements ou des services communs dont l’usage est facultatif. Gérés par le secteur public dans 70 % des cas ou privé associatif pour 27 %, les logements-foyers ont pu maintenir leur vocation sociale depuis leur création par la loi-cadre sur l’urbanisme du 7 août 1957.

     Les logements-foyers : un habitat spécifique au sein des Ehpa

     Un parc de logements vieillissant

Au 31 décembre 2011, les logements-foyers représentaient un peu moins du quart des établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpa4). L’essentiel des places d’accueil pour personnes âgées se situait au sein des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad)- Les logements-foyers bénéficient d’une bonne implantation au sein du territoire national, la majorité d’entre eux étant gérés par les communes. Cependant, ce maillage local s’est affaibli avec la disparition de près d’un tiers de l’offre disponible en une décennie(tableau 2). Cette baisse singulière est liée à la réforme de la tarification et de la réglementation de 2003 qui a conduit certains logements-foyers accueillant un public très âgé et de moins en moins autonome à se transformer en Ehpad pour assurer une prise en charge des soins des résidents (Grunspan, 2003 ; Prévot, 2009) 

 Le recul des logements-foyers est également une conséquence d’arbitrages politiques qui ont conduit à l’arrêt de leur construction dès les années 1990, au profit notamment des Ehpad (graphique 1). Trois-quarts des logements-foyers recensés en 2007 ont été érigés entre 1970 et 1989 ; seuls 16 % ont été bâtis après 1990 dont 2 % depuis 2000. Les efforts se sont concentrés sur l’édification de maisons médicalisées : 40 % des Ehpad existant en 2007 avaient moins de 20 ans.

     Une demande pérenne malgré une image obsolète

Dès la fin des années 1990, les gestionnaires, les comités de résidents et des élus s’alarment du déclin amorcé des logements-foyers et posent la question de leur devenir. En 2003, les comités départementaux des retraités et personnes âgées (Coderpa) relaient cette préoccupation en rappelant la spécificité de ces établissements qui mêlent vie collective, autonomie et liberté. Tout en reconnaissant l’inconfort et l’inadaptation aux normes en vigueur d’une fraction du parc des logements-foyers, ils redoutent que ces structures ne deviennent à terme « des maisons de retraite comme les autres » (martin et Chaigne, 2003).

Les professionnels traitant à l’échelle locale des questions de l’habitat, des schémas gérontologiques ou de la santé, ne connaissent eux-mêmes pas toujours très bien la réalité du terrain. Il y a un décalage important entre l’image désuète des logements-foyers et la place que ce mode d’habitat, mal connu de la population, occupe réellement. algré ce déficit d’image, la demande à l’entrée reste forte et les résidents interrogés plébiscitent ces logements-foyers (constat partagé par les responsables d’établissement*). Les professionnels au contact des personnes âgées en difficulté (travailleurs sociaux, médecins...) n’hésitent pas à les orienter vers ces structures. Leur vocation sociale est d’autant plus affirmée que la période s’avère difficile économiquement et que l’accès au logement « classique » leur est restreint.

«On avait cette idée que les logements-foyers n’étaient pas remplis. On se demandait quel serait leur devenir. [...] On a constaté avec surprise qu’ils étaient presque tous très bien remplis et qu’il y avait une demande. [...] Certains gestionnaires ou propriétaires avaient l’idée de ne pas maintenir leur logement-foyer.

Plusieurs ont été fermés depuis d’ailleurs, parce qu’ils avaient été construits dans les années soixante il y avait des problèmes de sécurité, les normes étant devenues de plus en plus strictes.

Cela remettait en cause un certain nombre de logements-foyers car cela aurait demandé beaucoup de travaux (un responsable du service «

    Personnes âgées et personnes handicapées» au conseil général d’un département francilien, 2013)

Depuis la réforme de la tarification de 2003, les logements-foyers sont entrés dans une phase de transition. Si certains établissements ont fermé ou se sont transformés en Ehpad, d’autres, par la volonté ou les choix stratégiques de leurs gestionnaires (élus locaux, responsables associatifs, sociétés immobilières ou organismes HLm), ont lancé un programme de rénovation à plus ou moins long terme. L’analyse des questionnaires détaille la perception des responsables sur la population résidante, l’offre de services proposée au sein de leur établissement ainsi que les évolutions en cours et à venir

      Une nécessaire amélioration du bâti et des services proposés

* Deux générations de résidents aux attentes variées

La bonne santé des candidats et leur autonomie constituant un critère d’entrée, les résidents des logementsfoyers sont donc plus jeunes que dans l’ensemble des Ehpa (tableau 3). En Île-de-France, le phénomène est encore plus marqué : la population est plus jeune et plus souvent autonome (74 ans en moyenne contre 76 ans ;17 % en Gir 1 à 4 contre 24 % en France). On peut y voir un effet d’un marché du logement particulièrement tendu, conférant aux logements-foyers une attractivité plus grande à des âges relativement jeunes. (remplacement des baignoires par des douches, amélioration de l’accessibilité pour faciliter la mobilité, pose de garde-corps et de rampes…). Il conduit également les établissements à adapter leurs services.

 * Une offre diversifiée mais encore incomplète.

Les responsables ont été interrogés sur les services qu’ils proposent. dans la grande majorité des cas, les résidents disposent d’un espace collectif dédié à la restauration ou à l’animation (90 %), d’un service de gardiennage et d’une téléassistance (80 %). dans une moindre mesure, ils peuvent bénéficier de services de blanchisserie ou de ménage et, plus rarement, d’une infirmerie (graphique 2). Notons enfin que deux établissements sur trois offrent des services d’hébergement pour les proches. Ces « chambres d’hôtes » sont très appréciées des résidents et de leur entourage.

En parallèle à ces prestations relativement classiques au sein de structures d’hébergement collectif, les établissements ont développé leur offre de services afin de retarder l’apparition de handicaps et de (mieux) répondre aux besoins exprimés. L’enquête montre l’attention particulière accordée à la parole des retraités. Leurs attentes, relayées par les comités de résidents, font l’objet d’une concertation permettant l’aménagement des services. Plus de 90 % des structures proposent ainsi des animations et des activités collectives visant à développer la vie sociale. Les responsables mentionnent des activités nouvelles ciblant l’accompagnement du vieillissement et favorisant le bien vieillir : partenariat avec un Ehpad, ateliers santé ou prévention (mémoire, chute), activités physiques, animations intergénérationnelles. Cette évolution des services s’accompagne de l’intervention de nouveaux professionnels : animateurs, assistantes sociales, psychologues, aides médico-psychologiques, aides médicales et paramédicales.

Malgré la variété de services et le développement de nouvelles compétences, des besoins non satisfaits persistent. Les responsables déplorent le manque de moyens humains : un agent de maintenance, une dame de compagnie le week-end, une assistance administrative pour les résidents sont régulièrement évoqués. La mise en place d’un service de transport collectif afin d’améliorer la mobilité des résidents dans la ville est également vivement souhaitée. L’enquête révèle une certaine confusion autour des fonctions de gardiennage. Outre les tâches qui lui sont traditionnellement dévolues (entretien des locaux, courrier), le gardien est contraint d’assurer des fonctions plus complexes et pour lesquelles il n’a pas été formé : distribution de médicaments, garde malade, appel des secours, participation à la vie collective, aux animations et aux sorties. Le manque de personnel l’amène ainsi à sortir de son champ de compétences habituel.

    Conclusion

Les responsables enquêtés jugent nécessaire l’adaptation et la rénovation des logements-foyers, ainsi que le développement de nouveaux services pour mieux accompagner le vieillissement des résidents les plus âgés. dans leur grande majorité, ils estiment que ces structures ont toute leur place au sein du parc de logements dédiés aux personnes âgées. Cette composante de l’habitat intermédiaire assure l’hébergement d’une part importante de retraités à moyennes et faibles ressources qui ne pourraient pas se maintenir dans un logement « classique ». Parallèlement au maintien des établissements existants, les professionnels du secteur social et médico-social qui travaillent dans des associations, des Clic (centres locaux d’information et de coordination pour personnes âgées), des collectivités locales (villes, centres communaux d’action sociale, conseils généraux) appellent au développement d’autres types d’habitat, plus innovants avec l’idée, notamment, de bâtir des unités plus petites, dispersées au sein des quartiers et mieux intégrées à la ville. Certaines résidences-services semblent aujourd’hui se placer sur le créneau de l’habitat collectif pour personnes âgées autonomes. Elles proposent une panoplie de services à des prix accessibles pour les retraités modestes, mais le secteur est encore mal connu. On ignore précisément leur nombre et les caractéristiques de ces établissements qui sont laissés à l’initiative du secteur privé. La diminution de la capacité d’accueil des logements-foyers pose la question de la rareté d’une offre alternative entre le domicile et la maison de retraite. Faut-il y voir le désintérêt des politiques publiques jusqu’à présent pour un type d’habitat difficile à circonscrire ? La place et l’avenir des logements-foyers sont justement examinés dans le rapport Broussy qui propose des pistes d’adaptation de la société au vieillissement de la population

info venant de cadr’@ge N°25, décembre 2013

Pour une analyse plus détaillée du discours des responsables sur les motifs d’entrée et le bien vieillir en

logement-foyer, voir http://citeres.univ-tours.fr/ImG/pdf/presentation_gallou-aouici_atelier_2.pdf

 

 

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