Comment Gisèle Pélicot ( la vieille )fait évoluer les stéréotypes sur les victimes de viol
Le procès des viols de Mazan touche à sa fin, après quatre mois d’audience. La cour criminelle du Vaucluse devrait rendre son verdict le 20 décembre pour 51 coaccusés, avec des peines requises entre quatre à vingt ans de prison. L’accusation a estimé que le verdict porterait « un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles ». D’ores et déjà, le procès a transformé la manière dont sont perçues ces violences. Contrairement au cliché de l’agression portant sur une jeune femme, nombre de viols concernent des hommes, des femmes d’un certain âge ou des personnes handicapées. Le courage de Gisèle Pélicot, 71 ans, qui n’a pas hésité à renoncer à son anonymat, sera une aide précieuse pour ces victimes, souvent dissuadées de se défendre.
Il aura suffi de dix petites semaines d’audiences pour que le procès pour viol collectif qui a secoué la France change radicalement la manière dont nous envisageons la violence sexuelle et les personnes qui en sont victimes.
Gisèle Pélicot, 72 ans, a témoigné des années d’agressions sexuelles perpétrées par son ex-mari. En novembre 2020, Dominique Pélicot avait reconnu avoir drogué sa femme pendant près de dix ans et proposé à des dizaines d’hommes de la violer. Une cinquantaine de prévenus étaient à ses côtés sur le banc des accusés.
Gisèle Pélicot a volontairement renoncé à son anonymat, qui est pourtant garanti aux victimes d’infractions sexuelles en France. Ce faisant, elle a relancé le débat sur le viol dans les relations et les mariages. Comme le montre cette affaire, les violences sexuelles ne correspondent pas toujours à l’idée que l’on s’en fait.
Dans l’imaginaire collectif, la victime d’un viol (ou autres infractions sexuelles) est une femme seule, jeune et séduisante qui est agressée la nuit par un inconnu dans l’espace public. L’agresseur la menace parfois d’une arme, et la victime résiste physiquement.
Les cas répondant à l’ensemble de ces critères sont très rares, et la plupart des agressions sexuelles sont radicalement différentes. En effet, beaucoup de victimes de viol sont des hommes, des femmes plus âgées ou des personnes handicapées. Leur agresseur, qui peut être charmant et généreux par ailleurs, est parfois une connaissance en qui la victime a confiance, et l’agression peut se dérouler à huis clos. Dans 48 % des signalements, c’est-à-dire le plus souvent, l’agresseur d’une femme est un partenaire sexuel ; pour les victimes masculines, il s’agit, à 38 %, d’une connaissance.
Mme Pélicot est une victime âgée, victimisée dans son propre foyer par son mari de l’époque et d’autres connaissances, bien loin du mythe du « dangereux inconnu », ce qui témoigne d’une dure réalité : la plupart des cas de violence sexuelle se produisent entre personnes qui se connaissent et dans la sphère privée, souvent au domicile de l’agresseur ou de la victime.
Quand une victime estime ne pas répondre aux critères supposés d’un viol ou d’une agression sexuelle, elle a parfois tendance à minimiser ce qu’elle a subi ou n’a pas conscience de ce qui s’est produit. C’est très fréquent en cas de violences conjugales et chez les victimes masculines, qui peuvent ne pas se rendre compte que leur consentement était important ou indispensable avant tout rapport sexuel.
Par conséquent, les survivants qui ne correspondent pas à l’image que l’on se fait d’une victime d’un viol ou d’une agression sexuelle se font moins souvent aider et souffrent parfois davantage sur le plan physique, mental et sexuel.
Écouter la parole des victimes
Le témoignage de ce type de victimes est parfois ignoré, et elles peuvent subir des humiliations ou des tentatives de culpabilisation, voire être accusées par d’autres personnes ou, pire, par l’institution judiciaire d’être en partie responsables de ce qui leur est arrivé.
Des études ont montré que le témoignage de ces personnes est plus fréquemment mis en doute ou rejeté, et que leur dossier a plus de chances de se solder par un acquittement. Les victimes masculines, handicapées ou âgées sont moins susceptibles de signaler ou de parler de ce qu’elles ont subi à la police ou à leur entourage, de peur de ne pas être crues ou écoutées.
De nombreuses victimes, qui correspondent ou non à l’idée que l’on se fait d’une personne ayant subi un viol ou une agression sexuelle, vivent des choses désagréables lorsqu’elles cherchent de l’aide ou se confient. Leur dossier est moins souvent pris en charge par la police et elles rencontrent davantage d’obstacles pour se faire aider, par des associations caritatives de lutte contre les violences domestiques, par exemple.
On sait à présent qu’une écoute empathique de l’entourage ou des forces de l’ordre améliore considérablement le sort et la guérison des victimes. Cela les incite également à se faire aider et signaler d’éventuels incidents ultérieurs. Il est important de faire preuve de la même confiance et du même respect envers toutes les victimes, même si elles ne correspondent pas à l’idée que vous vous faites d’une personne ayant subi un viol ou une agression sexuelle.
N’importe qui peut être victime de ce genre de crime ou délit. Le cas de Gisèle Pélicot, bien qu’extrême, marque un tournant dans le discours ambiant. Mme Pélicot est devenue, à juste titre, une héroïne féministe en France. Sa volonté de parler ouvertement de son expérience contribue déjà à dissiper les stéréotypes sur les personnes qui subissent des violences domestiques ou sexuelles, et sur la manière dont elles sont censées réagir.
Le débat doit se poursuivre, afin qu’un plus grand nombre de victimes accèdent au soutien dont elles ont besoin et que, si elles décident de parler ou de porter plainte, l’expérience soit positive et encourageante.
Si vous-même ou une personne que vous connaissez avez été victime d’une agression sexuelle ou d’un viol, composez le 3919, numéro d’écoute national destiné aux victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel anonyme et gratuit permet d’assurer une écoute et une information, et, en fonction des demandes, d’effectuer une orientation adaptée vers des dispositifs locaux d’accompagnement et de prise en charge. Vous pouvez aussi consulter la plateforme de signalement des violences conjugales, sexuelles ou sexistes.
Traduit de l’anglais par Fast ForWord
Publié dans The Conversation le 10 décembre 2024