Vieillir chez soi, une option plébiscitée mais confrontée au défi du recrutement
Les Français sont nombreux à vouloir vieillir chez eux, mais le pourront-ils ? Annoncé depuis plusieurs années par les pouvoirs publics, le « virage domiciliaire » reste à ce stade peu abouti.
Moyens humains et financiers, ambition de la politique menée... Cette question devrait sans surprise s’inviter aux Assises nationales de l’aide à domicile qui se tiennent mardi à Paris en présence des professionnels du secteur.
Quel état des lieux ?
Les années passent mais le constat reste le même : une immense majorité des Français souhaitent rester chez eux le plus longtemps possible. En 2022, ils étaient ainsi 94 % à confier tout faire pour finir leur vie chez eux (Ifop) et 92 % à penser que rester le plus longtemps possible chez eux leur permettrait de vivre une « vieillesse satisfaisante » (Harris Interactive).
Un souhait qui, jusqu’à présent, est parvenu à se concrétiser pour une majorité d’entre eux. Une enquête de la Drees publiée en février 2023 faisait état de moins d’un senior de 75 ans ou plus sur 10 (9,2 %) vivant en établissement d’hébergement contre une écrasante majorité (90,8 %) à domicile.
Mais la donne pourrait changer avec le « tsunami démographique » annoncé pour les années qui viennent. Selon les projections démographiques et épidémiologiques, les personnes âgées en perte d’autonomie devraient représenter 4 millions de la population en 2050 – soit une hausse de 60 % depuis le dernier recensement datant de 2015.
« Le choc démographique lié au vieillissement de la population nécessitera la création d’un nombre important de places de services à domicile, uniquement pour maintenir les taux d’équipement et la part du domicile à leur niveau actuel », relevait dans un rapport publié en 2022 la Cour des Comptes.
Quelles problématiques ?
Or sur le terrain, le compte n’y est pas, selon les professionnels du secteur et observateurs qui pointent une offre insuffisante de services d’aide à domicile à même de venir en aide dans les actes de la vie quotidienne (se laver, s’habiller, sortir...).
Comme les autres métiers du grand âge, le secteur de l’aide à domicile est confronté à une crise de l’attractivité avec de nombreux postes qui restent vacants. « Un enjeu capacitaire et RH majeur », a mis en garde l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) en 2024.
Un système déjà sous tension qui devrait se tendre encore davantage. Le vieillissement de la population et le souhait des personnes âgées de rester à domicile devraient en effet entraîner une forte croissance des besoins en services à la personne d’ici 2030 avec une hausse de plus de 30 000 emplois sur le seul segment de l’accompagnement à domicile, selon les projections du gouvernement.
Au-delà des effectifs, d’autres problématiques sont également en suspens. D’une part, des logements personnels encore largement inadaptés au vieillissement – seuls 6 % ont été adaptés à ce jour à la perte d’autonomie et 10 000 chutes mortelles par an sont encore à déplorer, selon l’agence nationale de l’habitat (Anah).
D’autre part, la perspective d’une baisse des proches aidants – liée à la diminution du nombre d’enfants et à la distance géographique croissante entre parents et enfants. « Or l’impossibilité pour l’entourage de continuer à aider la personne est l’un des premiers motifs d’entrée en établissement », notait l’Igas dans son rapport de 2023.
Quelles solutions ?
Face à ce tableau, des voix s’élèvent depuis plusieurs années pour défendre une troisième voie et en finir définitivement avec la « dichotomie domicile/établissements ». Cette alternative pourrait passer par les « résidences autonomie » – un logement privatif avec des espaces communs et des services collectifs. Dans son rapport, l’Igas appelait à en construire 100 000 de plus à horizon 2030.
Autre alternative mise en avant, celle de « l’habitat inclusif », à l’image du plus célèbre d’entre eux – la maison des Babayagas conçue dès les années 1990 par la militante féministe Thérèse Clerc et inaugurée à Montreuil en 2013.
Dans un rapport publié en 2021, la mission d’information du Sénat intitulée « Bien vieillir chez soi : c’est possible aussi ! » insistait sur le fait que le domicile n’était « pas nécessairement le logement de toujours ».« Il peut être adapté, partagé ou d’un type particulier. Il n’en doit pas moins rester personnalisé, c’est-à-dire composant une part de personnalité », concluait-elle.
Rappelons qu’au congrès des maires qui s’ouvre demain à Paris, une débat sera en partie consacré aux implications du vieillissement de la population : à 11 h30 aura lieu le débat sur « Les CCAS confrontés à l’explosion des besoins », dont la troisième partie traitera des réponses à apporter face à l’explosion du nombre de personnes âgées.
Par Marine Pennetier (AFP) et F.L.
Publié sur Maire info, le 20 novembre 2024