Les nourrices de la vallée de Bethmale : Autant en emporte le temps
Travail de mémoire pour ne pas oublier ce qu’ont fait ces femmes qui devenaient nourrices d’autres enfants que les leurs, ce livre décrit la situation des montagnes pyrénéennes de la fin du XIXe siècle jusque dans les années 30 et les raisons qui les ont obligées à quitter leurs villages. Reprenant les propos de l’historienne du Couserans, Simone Henry, Odile Pons s’élève contre la croyance trop répandue que des femmes de la vallée de Bethmale avaient le talent de se faire faire un enfant pour pouvoir ensuite gagner leur vie en nourrissant les enfants de familles riches.
On omet de dire que certaines femmes mariées furent aussi nourrices et que de nombreux enfants mouraient dès leur naissance ou en bas-âge. Plutôt qu’une histoire de mœurs légères ou de faute il faut voir dans ces histoires l’effet d’une misère profonde et le courage de celles qui ont osé une sorte d’exil, passager ou définitif. Mais c’est aussi l’histoire d’une ouverture au monde d’au-delà de la vallée de Bethmale : une rencontre entre des femmes pauvres et des familles aisées qui ont en retour influencé non seulement les femmes qui étaient nourrices mais aussi celles et ceux qui étaient restés au village sans oublier tous ceux qu’elles ont nourris, voire élevés.
Hantée par un souvenir de son père évoquant une telle situation, l’octogénaire Odile Pons vient de sortir un ouvrage, publié aux éditions L’Harmattan, sur un phénomène très répandu en France et dans l’Ariège du 19° siècle, notamment en vallées castillonnaises, sur "Les Nourrices de la vallée de Bethmale". Un double regard sur celles qui donnent le lait et celles qui abandonnent pour des raisons parfois dramatiques, "pauvreté, guerres", leur enfant confié à d’autres. Un phénomène très répandu dans la France rurale dès le début du XIXe siècle jusqu’aux lois décisives de 1874 codifiant ces pratiques, à travers lequel, Odile Pons tente aussi de réhabiliter ces femmes en apportant données sociologiques, graphiques, illustrations, photos et anecdotes. "J’ai fait beaucoup de recherches pour comprendre la réalité de ces situations".
Fruit d’une quinzaine d’années de recherches entre les archives de Toulouse, Foix et de communes concernées ou encore l’hôpital des enfants de Toulouse, mais également de la rencontre avec des descendantes vivant encore en Bethmale, son livre se présente comme un ouvrage précurseur qui tente de reconstituer le quotidien de ces femmes. Cette "industrie nourricière" comme elle était décrite à l’époque tente d’éclairer la réalité et les non-dits et de réhabiliter les noms des femmes qui sont parties laissant leur nouveau-né, souvent par nécessité pour survivre. Alors que d’autres femmes accueillaient à l’inverse, contre rémunération, des enfants en bas âge, souvent issus de la bourgeoisie toulousaine. L’ouvrage est à retrouver dans toutes les bonnes librairies mais également sur le site de l’éditeur.
"Tous les bénéfices qui en seront retirés, avance encore Odile Pons, seront reversés à l’association la Bethmalaise qui fait beaucoup de travail sur la mémoire du pays, ses traditions et réhabilite actuellement une maison à l’ancienne".
Odile Pons, originaire de Villargein, a fait toute sa carrière à l'École normale d'instituteurs de Carcassonne. Passionnée du patrimoine et de l'histoire de sa .vallée, elle passa 20 ans de sa vie à réunir les documents, les témoignages, les traces qui sont les sources de ce livre. Elle vit à Villargein et s'investit aux côtés de La Bethmalaise avec qui elle signe cet ouvrage. Fondée en 1991, La Bethmalaise anime la vallée, fait connaitre son patrimoine et ses savoir-faire, propose des spectacles de danses traditionnelles en costume local, des concerts de chants polyphoniques et des bals Occitans. Elle est en train d'acheter une maison ancienne pour y créer un écomusée.