LES FEMMES SONT PLUS ENCLINES À NE PAS SORTIR DE CHEZ ELLES EN VIEILLISSANT QUE LES HOMMES, Y COMPRIS DANS LES GÉNÉRATIONS RÉCENTES.
Julie PÉLATA analyse les mobilités du quotidien des personnes vieillissantes au fil des âges et des générations. En contrepoint, elle interroge leur immobilité, signe de sorties du domicile plus contraintes, débouchant sur une moindre participation à l'espace public.
Elle utilise les Enquêtes Nationales Transport qui recensent, tous les dix ans, les déplacements dans l'espace public réalisés un jour donné dans la population vivant à domicile. Elle estime la part d'immobiles par tranche d'âge, dans quatre groupes de générations, en croisant l'âge et l'année de naissance dans les échantillons des quatre enquêtes, utilisées en pseudo-panel.
Julie PÉLATA montre que la part des personnes restant à la maison un jour moyen de semaine est plus importante aux grands âges, quelle que soit la génération ; comme attendu du fait des limitations fonctionnelles restreignant les déplacements qui augmentent en vieillissant.
Elle observe cependant une forte diminution de l'immobilité au fil des générations, après 55 ans. Avant cet âge, la diminution s'observe chez les femmes seulement, l'immobilité étant anciennement faible chez les jeunes hommes ; cela témoigne d'activités et de pratiques de déplacement genrées en évolution (comme l’accès à la voiture, démocratisé à différents moments selon le sexe). Si les femmes ont considérablement élargi leurs sphères d'activité et de déplacement au fil des générations, elles restent davantage concernées que les hommes par l'immobilité, y compris dans les cohortes 1960-75 après 55 ans. Outre la question des causes, ces différences soulèvent des enjeux de sédentarité, de participation sociale, voire d'isolement pour le futur.
Elle en conclut qu'au-delà de l'apport de soins et de services, les politiques de maintien à domicile doivent envisager d’autres possibles qu’un futur confiné et questionner les pratiques de mobilité, via de nouvelles approches, sensibles aux contextes dans lesquels les personnes prennent – ou pas – leur place dans la société.
Publié dans ILVV-Institut de la Longévité, des vieillesses et du vieillissement, , le 14 mai 2024
* Source et champ : Enquêtes Nationales Transport 1981-1982, 1993-1994, 2007-2008, 2018-2019 – Insee, SDES (producteurs), Progedo-Adisp, SDES (diffuseurs) – Champ : individus vivant en logement ordinaire (France métropolitaine) – Lecture : pour la tranche d'âge 46-55 ans, l'immobilité du groupe des cohortes les plus récentes (1960-1975) est de 12%chez les hommes et 13% chez les femmes. C’est le taux de personnes qui sont restées chez elles (ou dans leur jardin) le jour désigné par l’enquête. Ces chiffres sont estimés à partir des réponses des personnes de l'enquête de 2007-2008 nées entre 1960 et 1962 et de celles de l'enquête 2018-2019 nées entre 1963 et 1973.
Doctorante en sociologie, Université Gustave Eiffel. DEST - Dynamiques économiques et sociales des transports
- Pélata, J., Armoogum, J., Gabaude, C., & Garcia, C. (in press). Factors explaining frequent immobility in France. Transportation Research Procedia. 16th World Conference on Transport Research, Montréal, Canada.
- Pélata, J., Boussion, B., Armoogum, J., & Garcia, C. (2023, June). Voyager après la retraite. 5èmes Rencontres Francophones Transport Mobilité. https://hal.science/hal-04192687
- Pélata, J., Meissonnier, J., Armoogum, J., & Gabaude, C. (2023, July). La voiture comme caddie? Dialogue entre recherches qualitatives et quantitatives. Intersections, Circulations - 10e Congrès de l’AFS. https://hal.science/hal-04190366
Mai 2024
Proportion de personnes déclarant ne pas être sorties de chez elles un jour donné de la semaine*