Les métamorphoses de Catherine Draveil
C’est un bel appartement lyonnais, à cinq minutes de la gare de la Part-Dieu. Ce nom, forcément, est comme prédestiné. Une part de Dieu, une part de sa vie. Quarante ans dans un cloître, en habit de religieuse, en prières et silence. A 63 ans, Catherine Draveil demande au Vatican de la relever de ses vœux. Requête acceptée. Elle a désormais 71 ans, est mariée à Yves, a visité Venise, saute en parachute, pratique le rafting et la percussion dans un orchestre.
Et elle écrit : Métamorphose aux Editions Favre. Récit d’une vie, de cette enfance parfois heureuse souvent difficile. Famille catholique rigoriste. Elle est prédestinée à être religieuse. Elle le sera. S’émancipera, enverra paître cette mère supérieure qui annihile les états d’âme des jeunes nonnes à coups de psychotropes. On reviendra là-dessus.
Retour à Lyon et les jours heureux. Chopin nous accueille. Yves le violoniste est au piano. Catherine est pimpante, un peu fébrile aussi. Parler à des journalistes, elle ne sait pas le faire. On la rassure. Pas d’interview mais une conversation. Elle se fera en partie à table. Yves le mélomane est aussi fin cuisinier: un tajine est servi. «Vous savez, nous dit Catherine, j’en suis à la post-adolescence dans mon autre vie. Tout me ravit, me surprend.» L’autre soir, des casseurs en marge d’une manifestation contre la réforme des retraites ont brisé le mobilier urbain de la rue. Elle a presque trouvé cela drôle quand toute la copropriété s’indignait.
Comme une ado, elle brise les barrières, se contrefiche du qu’en-dira-t-on. Sitôt sortie du couvent, elle rencontre Bruno. Visite du Musée d’Orsay, invitation dans sa maison de campagne, randonnée en montagne. «J’étais curieuse de découvrir un nouveau champ d’émotions dont j’avais été privée. Pour valider physiquement le tournant de mon existence, je ne voulais plus conserver ma virginité. Une cousine m’a expliqué certaines choses», confie-t-elle sans fausse pudeur. Bruno lui dit qu’il se voit mal «coucher avec une ancienne bonne sœur.» Le couple passera tout de même à l’acte dans un chalet des Hautes-Alpes. «Ça s’est fait naturellement. J’ai pris conscience ensuite des tabous qui ont généré tant de complications dans ma vie.»
Et puis surgit Yves rencontré sur internet. Ils aiment tous deux le peintre Pierre Soulages, ont beaucoup en commun. Elle s’installe chez lui à Lyon, ils se marient en janvier 2022 dans l’intimité à la mairie. Pas à l’église. Catherine ne prie plus, ne suit plus les offices. Elle dit: «Dieu me fiche la paix, il veut juste que je sois heureuse, il m’en donne les moyens. Il m’accompagne pour faire mes choix de vie, ne me demande pas d’aller à la messe.» Sa pratique de la foi ne fut pas toujours aussi libérale.
Catherine Draveil : Métamorphose, éditions Favre
https://www.letemps.ch/societe/metamorphoses-catherine-draveil