À Saint-Bonnet-en-Champsaur : rendez-vous au jardin (05)
Afin de lutter contre l’isolement des personnes âgées, une association qui gère un service de soins infirmiers à domicile a créé un jardin de rencontres et de liens intergénérationnels. Aménagé sur une parcelle de la municipalité de Saint-Bonnet-en-Champsaur, il est devenu un lieu de rencontres qui dépasse largement les limites de ce territoire rural.
« Notre commune attire des personnes âgées, originaires notamment de la côte. Elles bénéficient chez nous d’une maison de santé pluridisciplinaire, d’un pôle santé, d’associations de soins et d’aides à domicile. Notre équipe municipale réfléchit en outre à un habitat inclusif à leur intention », témoigne Laurent Daumark, maire de Saint-Bonnet-en-Champsaur. Ce n’est donc pas étonnant que la mairie ait, sans hésitation, décidé de soutenir le jardin collaboratif, l’Ouort de Benevènt, créé en 2017 par le gestionnaire d’un service de soins infirmiers à domicile « Bien chez soi ». Cette association avait en effet constaté l’isolement, voire la détresse de personnes âgées en perte d’autonomie, d’aidants et de proches, dont elle était parfois le seul visiteur. Comme de nombreux autres territoires ruraux confrontés au vieillissement de sa population, 35 % des habitants de la communauté de communes Champsaur Valgaudemar, dont fait partie Saint-Bonnet, ont plus de 60 ans (28 % à l’échelle nationale). 76 % des plus de 65 ans vivent seuls. Avec une densité démographique très faible (14,8 habitants au km² contre 106,2 au niveau national), tous les ingrédients sont alors réunis pour renforcer l’isolement des seniors.
Mais pourquoi un jardin ? « Parce qu’en milieu rural, il tient une grande place dans la vie des habitants et particulièrement les plus âgés », poursuit Claire Voltz, animatrice prestataire du jardin. Composé d’espaces de déambulation, de massifs de fleurs, légumes et herbes aromatiques et d’un coin pique-nique, il a été aménagé et il est entretenu par une dizaine de bénévoles, sur une parcelle mise gracieusement à disposition par la municipalité. En cas de mauvais temps, les participants peuvent se replier dans la salle d’une ancienne mairie, qui jouxte la parcelle.
Le jardin est ouvert toute l’année et offre un havre intergénérationnel de rencontres et de repos aux personnes âgées dépendantes ou pas, à leurs proches aidants ainsi qu’à tous les autres habitants. Chaque mercredi, d’avril à octobre, y sont organisées, après un repas partagé, des activités autour de la nature, de la création artistique, du bien-être, du jeu, de la motricité ou encore de la mémoire. On peut aussi venir assister à des concerts, spectacles et même participer à des concours de soupes. Ces temps forts sont animés par des bénévoles ainsi que par des intervenants réguliers ou occasionnels. « Les idées nous sont proposées sans que nous ayons besoin de les chercher. Ce jardin permet aux personnes isolées, à celles en perte d’autonomie et à leurs proches de conserver un but et un lien avec la vie locale. Ce qui se passe ici est magique », s’émeut l’animatrice.
Elle intervient déjà en tant qu’animatrice-jardin en Ehpad et dans un service de gérontologie de l’hôpital de Gap. Passionnée par le travail de la terre, c’est en rencontrant la vice-présidente de l’association Bien chez soi que l’idée est née en 2014 de créer un jardin de liens. Peu à peu, se sont greffés de nombreux autres partenaires qui trouvent là un lieu adapté aux besoins de leurs bénéficiaires et résidents. Ehpad, services de soins infirmiers, aides à domicile, travailleurs sociaux auprès d’adultes handicapés, mais aussi groupes scolaires et centres de vacances, côtoient au jardin le quidam venu faire une pause. En 2023, 300 habitants s’y sont rendus au moins une fois et une trentaine de personnes en moyenne participent aux activités du mercredi. Certains évènements accueillent beaucoup plus de monde, comme ce bal récemment organisé en présence de 250 participants. « J’estime qu’environ la moitié des usagers du jardin résident sur le secteur. Les autres viennent d’un rayon d’une vingtaine de kilomètres », ajoute l’animatrice. Le secret ? Une très bonne communication. Des informations hebdomadaires sont envoyées à plus de 500 adresses mails et via les réseaux sociaux. La municipalité et la presse relaient les animations, le bouche-à-oreille fait le reste. « Le jardin enrichit des liens déjà très actifs entre les associations du territoire. Et sa fréquentation profite aussi aux commerces de la commune », complète le maire.
Des projets circulent entre le jardin et d’autres lieux comme des médiathèques qui vont par exemple exposer des créations. Depuis les débuts de l’initiative, un photographe professionnel, Denis Lebioda, raconte ces moments précieux à travers une chronique photographique annuelle. Comme tous les intervenants, bénévoles, élus et partenaires institutionnels, associatifs, sociaux et de la santé, ce dernier contribue à changer les regards sur l’âge(Lien sortant, nouvelle fenêtre).
Reste à trouver et pérenniser les financements, principalement pour payer des intervenants, les frais d’intendance ou encore les matériels nécessaires pour les animations. La phase d’installation et d’aménagement de la parcelle a bénéficié de l’appui méthodologie et financier de la Fondation de France. « Maintenant, chaque projet doit faire l’objet d’une recherche de financements », précise l’animatrice qui ajoute que le jardin n’est plus porté par l’association Bien chez soi depuis 2022, mais dispose de sa propre structure, l’association L’Ouort de Benevènt. Le budget annuel, qui est en moyenne de 30 000 euros, est bouclé par les cotisations de ses adhérents, des participations à certains évènements (la majorité d’entre eux étant gratuite), de la vente de publications, des dons et l’apport des appels à projet auxquels elle répond. Outre la mise à disposition gracieuse de la parcelle et de la salle, la municipalité a aidé à l’aménagement du jardin et soutient la logistique des animations, en prêtant du matériel par exemple
Des financements sans cesse à rechercher
Il n’est pas simple de financer un projet aussi atypique que le jardin de l’Ouort de Benevènt. Si la Fondation de France a bien aidé au démarrage, les 30 000 euros de budget annuel de fonctionnement sont financés principalement (85 %) sur projets. Leurs financeurs sont donc très divers : fondations, Parc national des Écrins, MSA, État via le Fonds départemental pour la vie associative, conseil départemental, les assurances Klésia, municipalité… Le reste provient de la cotisation des adhérents, des participations à certains évènements (la majorité d’entre eux étant gratuite), de la vente de publications ainsi que de dons.
Publié le 28 mai 2024 par Lucile Vilboux Hautes-Alpes sur la Banque des territoires ; France Ruralités, Cohésion des territoires, Santé, médico-social, vieillissement