Gloire au coquelicot ! : Le Billet de François Morel…
Gloire au coquelicot ! : Le Billet de François Morel
Pas pu résister à le mettre en ligne…
Il revient. Il est revenu. On n’en croit pas ses yeux.
On le pensait mort et enterré. Oublié dans une vieille chanson en descendant dans son jardin. Perdu dans un succès de Mouloudji. Mais non, il revient, sur les talus, au bord des routes, sur les chemins, parmi les vignobles, dans les champs de blé, gloire au coquelicot !
Il avait souffert, il avait mal vécu une modernité mal comprise, l’agriculture intensive, les herbicides, les fongicides, les pesticides, les engrais chimiques. On pouvait craindre qu’il ne reviendrait pas. Il ne servait qu’à faire joli dans le paysage. Autant dire que dans un monde mercantile, il ne faisait pas le poids. Incapable de rapporter quoi que ce soit. Infoutu d’être rentable. Aussitôt cueilli, aussitôt mort. Il ne pouvait même pas contribuer à la prospérité des fleuristes, mais il est revenu, invendable, inutile, stérile, frondeur, insaisissable, inopiné, libre, gloire au coquelicot !
"Le myosotis et puis la rose, ce sont des fleurs qui disent quelque chose". Tais- toi Marcel ! Faut surtout pas être idiot pour aimer les coquelicots. C’est de la beauté gratuite, du luxe pour vagabonds, de la richesse pour ceux qui n’ont rien, s’offrant au regard de chacun, généreux, prodigue, désintéressé, gloire au coquelicot !
On ne le voyait plus qu’au musée, il n’était plus qu’un lointain souvenir que Claude Monet nous rappelait chaque fois que parcourant le musée d’Orsay, on se promenait dans la campagne d’Argenteuil du temps qu’elle existait. Une femme au premier plan marchait sous son chapeau de paille, tenant une ombrelle à la main. Près d’elle, un enfant l’accompagnait, faisant un bouquet de ces fleurs si rouges, si légères, plus éphémères encore que sa douce insouciance, gloire au coquelicot !
Et en réapparaissant dans les campagnes, le coquelicot nous dit que tout n’est pas perdu, que reviendront les papillons et les éléphants de Sumatra, que la disparition des espèces n’est pas une fatalité, que le bonheur est à la portée de chacun, que les guerres pourraient finir, que la violence est dérisoire, que la tristesse et la misère et la bêtise pourraient abandonner la partie, gloire au coquelicot !
Il revient, il est revenu. Et certains céréaliers boudeurs s’en inquiètent. S’ils prospèrent trop, les coquelicots qui ne sont pour eux que de mauvaises herbes parmi d’autres pourraient amoindrir la teneur en protéines des récoltes, ce qui aurait un impact sur le travail des boulangers.
On n’en n’est pas là. Il est revenu, profitons de sa présence, jouissons de sa beauté. Il est revenu, apportant une note d’espoir, une couleur d’espérance. Il est revenu, et on dirait que monde serait meilleur, on dirait que la laideur reculerait et que, par enchantement, l’espoir renaitrait !
Gloire au coquelicot !