Un chantier d’insertion pour les seniors, il suffisait d’y penser ! (02)

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

Attachée à proposer des chantiers d'insertion qui aient du sens pour la ville, ses habitants et leurs bénéficiaires, la commune d'Hirson a lancé en 2016 « bien-être seniors », un chantier atypique, sur les métiers de l'aide à domicile.

« L'insertion, ce n'est pas tondre les pelouses » aime à répéter le maire d'Hirson, Jean-Jacques Thomas. C'est aussi prendre soin des plus vulnérables. C'est le but du chantier d'insertion « bien-être séniors » lancé ici il y a déjà six ans. Reconduit chaque année depuis.

Dans l'accompagnement des personnes âgées à domicile ou en établissement, les professionnels n'ont « pas assez de temps à consacrer aux relations sociales », en dehors des temps dévolus aux soins et à la toilette. Ce constat, Jean-Jacques Thomas l'a fait il y a plusieurs années avec le directeur du centre communal d’action sociale (CCAS) de sa commune, Vincent Szpakowski. Ce dernier lui propose d'embaucher du personnel pour jouer un rôle « d'agents de convivialité » auprès des personnes vieillissant à domicile, isolées. Le maire est perplexe mais il fait confiance au directeur.

Bénéficier à tous

En revanche, il fallait régler un point essentiel. Le service ne devait pas être payant, car il devait « bénéficier à tous », notamment aux personnes âgées vivant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. « C'est pourquoi nous avons pensé à la solution du chantier d'insertion », explique le directeur. Elle permettait de combiner une logique d'insertion (par le recrutement de personnes éloignées de l'emploi aussi dans ces quartiers) et sociale (par l'offre d'une activité proposée aux personnes âgées de la commune).

Proposer des activités collectives et conviviales, « pour rompre la solitude et retrouver du lien social », c'est le but de ce chantier, qui a démarré en 2017. Le chantier peut embaucher 15 personnes en même temps. L’État assume le financement de ces emplois d'insertion (cf. encadré).

Apporter un goûter, un livre au domicile d'une personne âgée, dans un Ehpad ou dans un service de soins de suite, aller chercher plusieurs personnes pour leur proposer des jeux dans une salle d'activité, ou passer une après-midi à la cuisine pédagogique… Ce sont quelques exemples des activités organisées, au moins deux fois par semaine, par les agents en insertion, épaulés par leur encadrant. Le reste du temps, ces salariés en insertion suivent des formations, sont en immersion…

Comme tout chantier d’insertion, le but premier est de ramener à l’emploi des personnes qui en sont très éloignées. La commune avait placé ses ambitions un peu plus haut encore, en espérant susciter des vocations pour les métiers de l'aide à la personne (auxiliaire de vie sociale, porteur de repas, etc.), un secteur qui « manque cruellement » de candidats. Cela n'est resté qu'une « utopie » reconnaît le directeur. Plus exactement, le pari n'est que partiellement rempli. Sur les 15 postes en insertion du chantier, seules deux ou trois personnes s'orientent en moyenne chaque année vers un métier d'auxiliaire de vie au terme de leur contrat. Parmi eux, celle qui est devenue l'encadrante technique du chantier !

Plus de la moitié de sorties positives

Mais pour le directeur, ce bilan en demi-teinte n’est pas négatif car « l'activité d'un chantier n'est qu'un support et pas une finalité ». Ce qui compte, ce sont les sorties dites positives (vers un CDI, un CDD de plus de six mois ou une formation qualifiante), et là les résultats sont plutôt bons. En moyenne, plus de la moitié des salariés en insertion du chantier « bien-être séniors » sortent sur un emploi ou une formation qualifiante de plus de six mois. Ce ratio est élevé. Meilleur que sur les deux autres chantiers portés par le CCAS. « Et puis il y a tout ce qui n'est pas chiffrable, les personnes que l'on a vu évoluer, prendre de l'assurance au gré d'un parcours qui peut aller jusqu'à 24 mois », ajoute le directeur.

S'ajoute un dernier motif de satisfaction : ce chantier touche un public plutôt féminin, élargissant la palette des activités proposées sur les autres chantiers centrés sur le BTP ou les espaces verts.

Entre l'idée du chantier, la décision et le montage du projet, six mois ont été nécessaires. La réponse a donc été rapide à mettre en œuvre. La commune a bénéficié de l'expérience des deux chantiers et ateliers d'insertion déjà existants depuis plusieurs années. Cela a permis de passer outre les réticences de l’État. Ce dernier craignait que le chantier ne fasse concurrence aux services à domicile existants. D'où la réorientation du projet vers des activités collectives et pas seulement à domicile.

« Oui, au début, je me suis interrogé, doit-on payer des gens pour aller chez d'autres boire un café ? », reconnaît le maire. « Eh bien, oui ! » conclut-il au terme de six années déjà d'activité du chantier « bien-être seniors ».

La collectivité et son CCAS travaillent déjà à la prochaine étape, à l'horizon 2023/2024 : l'aménagement d'une maison témoin où seront organisées les animations du chantier et où les salariés en insertion pourront se former.

Des projets (presque) faciles à subventionner

« Nous n'avons pas trop eu de difficultés à trouver des financements car le chantier touche à plusieurs domaines, tout en innovant », glisse le directeur du CCAS.

Pour un budget prévisionnel 2022 de 306 500 euros, l'État assure plus d'un tiers (150 000 euros). Ce qui équivaut à la totalité des rémunérations des 15 postes en contrats à durée déterminée d'insertion (CDDI). Le CCAS assume un cinquième (62 612 euros) du budget. Il couvre le poste d'encadrant (35 000 euros environ), un demi-poste d'accompagnant socioprofessionnel (ASP), également à mi-temps sur un autre chantier.

Le chantier bénéficie en outre de 13 000 euros, au titre de la politique de la ville puisque les bénéficiaires sont en partie issues du quartier prioritaire.

Le conseil départemental a versé 35 000 euros, dont 20 000 euros au titre de la conférence des financeurs et 15 000 euros dans le cadre de la politique de la ville puisque les bénéficiaires de ces activités sont en partie résidents du quartier prioritaire.

Emmanuelle Stroesser , Publié le 29 août 2022 dans la Banque des territoires

https://www.banquedesterritoires.fr/un-chantier-dinsertion-pour-les-seniors-il-suffisait-dy-penser-02

Un chantier d’insertion pour les seniors, il suffisait d’y penser ! (02)

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