La réalité virtuelle à l’assaut des Ehpad
La réalité virtuelle se développe dans les Ehpad pour permettre aux personnes âgées de voyager. Si les effets secondaires de ces expériences immersives doivent encore être étudiés, l’initiative a le mérite de se soucier d’un public souvent laissé pour compte.
C’est un objet en passe de devenir banal. On le retrouve dans les jeux vidéo, les défilés de mode, les musées, à la dernière fête des Lumières de Lyon et même lors des entraînements d’astronautes… Boosté par la crise sanitaire et les confinements, le casque de réalité virtuelle a la côte. Il n’y a donc rien d’étonnant à le retrouver aujourd’hui dans les Ehpad. Car mamie aussi a le droit d’être à la pointe de la technologie. Mais soyons honnêtes, il y a peu de chance de la voir casque sur la tête et manette de PS4 à la main en train de s’extasier sur les origamis du jeu Paper Beast. En revanche, grâce à la VR, elle peut désormais s’offrir un petit trip à l’autre bout du monde.
C’est le pari fait par Teleport IN, Lumeen ou encore Vythisi, de jeunes entreprises françaises qui souhaitent permettre aux pensionnaires d’Ehpad de s’échapper quelques instants de leur quotidien. Grâce à un casque de VR, les touristes 2.0 peuvent ainsi se balader à côté d’un éléphant dans les rues bondées de Bali, observer le temple de Louxor sur les rives du Nil ou encore faire un tour à l’Opéra Garnier. Mais l’expérience immersive (à 120 euros par mois pour la location d’un casque chez Teleport IN) a aussi une visée thérapeutique.
Encourager le lien social
Plusieurs études ont ainsi démontré que la réalité virtuelle pouvait améliorer les capacités motrices et l’équilibre, soulager l’anxiété et stimuler l’attention. Les start-up se targuent également d’encourager le lien social des personnes âgées en suscitant des sujets de conversation. Il existe pourtant encore peu de données sur l’exposition de la population à ces technologies et «les éventuelles conséquences neurologiques ou les effets sur le développement à long terme», selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) qui alerte sur les risques de «cybercinétose» : vertiges, nausées, perte d’équilibre, similaires à ceux que l’on peut ressentir lors du mal des transports.
Pas de conclusion hâtive donc. Une chose est sûre, l’expérience virtuelle ne peut arriver à la cheville du véritable voyage, tant sur le plan olfactif, gustatif, visuel, que sur celui des rencontres, mais l’initiative, si elle est bien encadrée, a le mérite d’apporter un peu de gaieté et de magie à un public isolé et mis à rude épreuve en ces temps de crise sanitaire. Et qui sait, peut-être que mamie finira bien par se lancer sur Paper Beast.
Julie Renson Miquel, publié dans Libération du 28 décembre
Quelle vie à l'ère du numérique ? dossier Libération