Et toi, tu as quel âge ?
Pourquoi notre perception de l'âge doit changer...
Je me suis toujours demandé pourquoi l’âge était un marqueur si structurant dans nos quotidiens. On le retrouve partout: sur les couvertures des magazines féminins (“Quels soins adopter pour la peau à 30, 40 ou 50 ans ?”), dans les trophées que l’on remet (comme la liste 50 over 50 de Forbes), voire à côté de faits marquants pour identifier une personne (on peut ainsi apprendre que Julie Delpy a créé la série On the Verge à 51 ans).
L’âge chronologique correspond à la question: quel âge avez-vous? Moi, j’ai 37 ans. Et vous? Mais l’âge n’est pas qu’un chiffre qui change chaque année à votre date anniversaire! L’âge recèle aussi des informations sur qui vous êtes, en termes de références culturelles vécues dans votre jeunesse ou de moments de vie marqués notamment par des faits historiques. Quand vous rencontrez quelqu’un, n’avez-vous jamais essayé de deviner approximativement son âge? Moi, cela m’est très souvent arrivé! Inconsciemment, à partir de ce critère d’âge, nous essayons parfois de nous situer les uns par rapport aux autres. Ainsi, l’âge est autant chronologique que social.
L’âge social est le reflet de la place que nous occupons à un moment donné au sein de la société. Alors, à quel moment la société a-t-elle été stratifiée autour de la notion d’âge?
L’enregistrement des naissances et des décès a été un premier pas.
Puis la construction sociale des périodes de la jeunesse avec l’instruction obligatoire et de la vieillesse avec la retraite.
Et aussi le développement des politiques publiques liées à l’âge, qui instaurent des seuils en deçà et au-delà desquels certaines activités sont permises, obligatoires ou interdites. Par exemple, un âge social clé est celui de la majorité. Pour nos mères, celui-ci était de 21 ans, alors qu’il est aujourd’hui fixé à 18 ans.
La construction sociale des âges de la vie a certes instauré des droits et des devoirs à chaque âge, mais ce qui est tragique c’est qu’elle les a surtout hiérarchisés, en valorisant ou dévalorisant des périodes données, notamment la vieillesse. Mais alors, j’ai envie de comprendre pourquoi certaines sociétés, et donc chacun de nous, vont magnifier l’avancée en âge, tandis que d’autres vont la marginaliser?
Le chercheur américain Jared Diamond, qui a étudié à la fois des sociétés traditionnelles et les sociétés contemporaines, met la notion d’utilité au cœur de son analyse.
Dans certaines sociétés traditionnelles, les personnes âgées sont négligées, abandonnées ou tuées, car elles sont considérées par le groupe comme inutiles. C’est le cas des Aché d’Amérique du Sud qui pratiquent l’abandon volontaire. Lors d’un changement de campement, ils laisseront la personne âgée qui ne pourra plus suivre le rythme du groupe. Seule, elle ne pourra pas survivre et mourra. Est-ce que cela ne semble pas atroce d’être vieux dans cette société ?! A contrario, d’autres sociétés traditionnelles vont valoriser les anciens. En Tanzanie, les femmes ménopausées Hadza passent sept heures par jour à chercher des tubercules, du miel et des fruits pour nourrir leurs petits-enfants. Ainsi, plus les personnes âgées seront utiles au sein de la société, plus elles seront respectées et auront une place valorisée.
Même si l'on constate que les lignes s’effritent en matière d’âge et de représentations de la vieillesse, les sociétés occidentales contemporaines ont encore des avancées à faire pour porter un regard juste sur l’âge et sur les plus âgés.
Et si aujourd’hui on regardait les choses autrement, en déstabilisant cette croyance du jeunisme, en considérant l’utilité autrement que par le seul prisme du travail, en arrêtant d’opposer les différents âges de la vie? Et si on prenait appui sur les sociétés traditionnelles qui magnifient la vieillesse?
Car oui, nous pouvons vivre dans une société humaine, où tout le monde a sa place et peut continuer à expérimenter peu importe son âge. Alors, peut-être que demain, on prendra conscience que chaque âge apporte son lot d’expériences, de sagesse et d’audace, que la vieillesse n’est pas un moment de vie à marginaliser, mais un temps pour s’accomplir. J’ai envie d’y croire! Et vous?
Publié par VIVES le 6 novembre 2021 : http://m.prod1.emailing.groupebayard.com/nl/jsp/m.jsp?c=56oBrxp8IKdt3MCduCbdRePTHd8V4Ong
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Mélissa-Asli PetitPlume Socio de ViveS
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à voir : Le film Nomadland: Après l’effondrement économique de la cité ouvrière du Nevada, Fern, incarnée par Frances McDormand, décide de prendre la route à bord de son van aménagé et d’adopter une vie de nomade. Dans ce film, l’actrice (oscarisée en 2021 pour ce rôle) réinvente sa vie à 60 ans, s’engage dans une aventure et grandit grâce aux rencontres qu’elle fait tout au long de sa route.