Démarches administratives : Des solutions pour les oubliés d’Internet, par l’UFC que choisir
Santé, impôts, allocations, emploi… La crise sanitaire a accéléré la dématérialisation des services publics. Une gageure pour les usagers non connectés ou en difficulté avec le numérique. Ils peuvent toutefois se tourner vers d’autres options.
Durant le premier confinement, des initiatives privées ont heureusement suppléé les services publics fermés. Comme à Avon, une petite commune de Seine-et-Marne, où des habitants ont bénéficié du soutien d’un de leurs commerçants. Ayant appris que nombre de ses habitués ne sortaient plus de leur domicile faute de pouvoir imprimer ou télécharger l’attestation de déplacement dérogatoire sur leur téléphone mobile, un boulanger a eu l’idée de reproduire le document sur ses emballages de pains. Résultat, de fidèles clients ont remis le nez dehors grâce à l’achat de leur baguette quotidienne. Cette initiative, comme tant d’autres depuis le début de la crise sanitaire, a braqué les projecteurs sur les oubliés d’Internet. Autant de cailloux dans la chaussure de la « start-up nation » chère au président de la République Emmanuel Macron, à l’heure où les services publics et les administrations, dont l’accès aux guichets physiques est limité à cause de l’épidémie de Covid-19, accélèrent leur mue numérique.
L’INÉGALITÉ D’ACCÈS AUX DROITS S’ACCENTUE
« Si la dématérialisation des démarches administratives a simplifié la vie d’un grand nombre de Français, il n’en est pas de même pour les 14 millions d’entre eux en difficulté face au numérique,décrypte Claire Hédon, la Défenseure des droits. Ils peuvent ne pas posséder le matériel nécessaire (ordinateur, imprimante, smartphone, tablette) ou ne pas profiter d’une connexion à Internet, mais également faire partie des personnes qui ne sont pas agiles avec l’informatique, ou ont du mal avec les procédures et le langage administratif. » Jean Deydier, directeur de WeTechCare,start-up sociale créée par l’association Emmaüs, renchérit : « Le développement brutal des démarches en ligne a fait exploser les besoins d’assistance de certains citoyens, qui se retrouvent privés de leurs droits s’ils ne sont pas aidés. » Exemples les plus éloquents, ces actions devenues impossibles via un guichet physique : inscrire ses enfants dans l’enseignement supérieur (Parcoursup), obtenir la prime d’activité, demander ou renouveler des papiers d’identité, un permis de conduire ou une carte grise. « La téléprocédure de carte grise s’avère tellement compliquée que certains demandeurs préfèrent payer une officine privée pour la réaliser ! L’égalité d’accès aux services publics en prend un coup », s’agace Claire Hédon.
La Défenseure des droits plaide pour la création d’un « droit à la connexion », qui inclurait accompagnement, liaison web de bonne qualité et équipement à tarifs aidés, car Internet est devenu aussi vital que l’eau et l’électricité. En attendant, la numérisation de l’administration poursuit sa route, coûte que coûte : le gouvernement vise les 100 % de démarches dématérialisées d’ici à 2022. « Or, l’accompagnement des personnes ne suit pas », déplore Alexandre Carlier, de l’Union nationale des Points d’information médiation multiservices (Pimms), un réseau de 68 lieux d’accueil servant d’intermédiaires entre la population et les services publics.
DES ESPACES D’AIDE ET DE CONSEIL
Actuellement, en l’absence de guichets d’administration de proximité dans les zones rurales et périurbaines, mais aussi dans de grandes villes, les usagers mal à l’aise avec Internet peuvent compter sur des réseaux pour être épaulés dans leurs démarches. « Leur structuration étant en cours dans le cadre du nouveau Plan national pour un numérique inclusif, il n’existe pas toujours de point d’accès unique pour répondre à tous les besoins », précise Céline Colucci, déléguée générale du Réseau des territoires innovants, une association de diffusion des usages numériques pour les collectivités. Pour trouver le bon interlocuteur, les mairies et intercommunalités constituent une porte d’entrée, tout comme les 140 associations locales de l’UFC-Que Choisir. Elles orientent les demandeurs vers des structures (maisons de services au public, associations nationales ou locales, espaces publics numériques… lire l’encadré), où des médiateurs pourront les seconder.
Quand ces lieux, fixes ou itinérants (lire l’encadré), arborent le label France services (856 guichets en octobre 2020), ils garantissent a minima de pouvoir procéder aux démarches menées auprès de neuf établissements : la Poste, les impôts, Pôle emploi, la Caisse d’allocations familiales (Caf) et la Mutualité sociale agricole (MSA), les Assurances maladie et retraite, les ministères de l’Intérieur et de la Justice. « L’État a également ouvert un numéro non surtaxé (le 01 70 77 23 72) d’assistance à distance par des médiateurs numériques », ajoute Céline Colucci. Ce service est complété par le site d’aide en ligne Solidarite-numerique.fr.
* SE FORMER À L’INFORMATIQUE PRÈS DE CHEZ SOI *
Des formations sont proposées pour démythifier les outils numériques.
« Les médiateurs peuvent également instruire ceux qui souhaitent devenir autonomes », poursuit-elle. Et avec 38 % de Français qui manquent de compétences numériques de base, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), il y a du travail ! Heureusement, les ateliers pour apprendre à manier un ordinateur ou effectuer seul des démarches administratives sur la Toile se multiplient. Ils sont proposés par les mairies, les centres communaux d’action sociale ou toute structure identifiant les personnes en état de besoin. Des carnets Pass numérique, lancés par l’État et inspirés des titres-restaurants, peuvent être distribués à cette occasion ; ils offrent à leurs bénéficiaires des heures de formation dans des lieux de proximité. Lors de ces séances, la bienveillance est de mise pour lever les barrières psychologiques liées au numérique. « On peut avoir peur de commettre des erreurs, de ne pas être en capacité d’apprendre… Nos programmes présentent donc un parcours adapté à chacun », explique Marie Cohen-Skalli, codirectrice d’Emmaüs Connect, qui œuvre pour l’inclusion numérique. Même approche dans les Pimms : « Des parcours de formation en petits groupes y sont organisés pour démythifier les outils et les usages informatiques », précise Alexandre Carlier. Autre ressource à mobiliser pour les débutants : Pix.fr, le service public en ligne pour évaluer, développer et certifier ses aptitudes numériques.
Après le manque de compétences, le budget dédié à l’acquisition de matériel représente le second frein à l’utilisation d’Internet. « Quelque 8 millions de Français ne disposent pas d’un accès au Web, car ils n’ont pas les moyens de s’équiper », souligne alors pas trop mouillé. Le prix d’un appareil de qualité peut effectivement se révéler dissuasif : un ordinateur coûte au minimum 300 € et un smartphone, 150 €, sans oublier l’imprimante, le scanner et les autres accessoires. Pour se procurer ces produits sans se ruiner, il faut privilégier l’achat de seconde main. À la clé, une décote de 30 à 50 % par rapport au neuf. Notre conseil : choisir des modèles reconditionnés commercialisés en ligne ou en magasins. Nettoyés, testés, réparés et donc 100 % fonctionnels, ils font bénéficier leur acheteur de la garantie légale de conformité, qui couvre pannes et défauts de fabrication pendant 24 mois. Les moins argentés ont la possibilité de s’adresser aux associations qui donnent ou vendent du matériel à prix modique (liste partielle sur Donordi.fr, un annuaire des organismes redistribuant les ordinateurs inutilisés). « Nous récupérons du matériel d’entreprise (via Lacollecte.tech) que nous faisons reconditionner par des structures d’insertion, avant de l’écouler à des tarifs solidaires : une centaine d’euros pour un ordinateur, 50 € à 60 € pour un smartphone ; soit 40 à 60 % moins cher que du reconditionné classique », détaille Marie Cohen-Skalli.
EN ATTENDANT LA FIBRE
Pour certains, l’obstacle à surmonter pour réaliser des démarches en ligne est structurel. Selon l’observatoire de la qualité de l’Internet fixe de l’UFC-Que Choisir, 6,8 millions de Français étaient privés chez eux, en 2019, d’un accès à Internet de qualité minimale, c’est-à-dire plus de 3 mégabits par seconde (Mbits/s). Ces naufragés du haut débit, situés en bout de ligne ADSL ou dans les zones peu ou pas couvertes par les réseaux fixes, peuvent se tourner vers des solutions alternatives sans fil. Qu’il s’agisse d’une box 4G, d’une liaison par satellite ou par boucle locale radio, elles permettent d’atteindre un bon haut débit (supérieur à 8 Mbits/s). Les abonnements sont commercialisés par les opérateurs nationaux (Bouygues Telecom, Free, Orange, SFR) comme locaux ou spécialisés (Nordnet, Ozone, SkyDSL, Numerisat…). Quelques départements accordent des aides financières aux foyers qui souhaitent se raccorder.
Enfin, si l’offre souscrite est labellisée Cohésion numérique des territoires, elle donne droit à un coup de pouce de l’État pouvant aller jusqu’à 150 € pour financer l’équipement, son installation ou sa mise en service (renseignements en mairie ou sur Amenagement-numerique.gouv.fr). Les zones d’éligibilité à ce dispositif ont été élargies en raison de la crise sanitaire, qui a retardé le déploiement de la fibre optique. De quoi patienter en attendant la connexion à très haut débit via cette technologie, promise par le gouvernement sur l’ensemble du territoire en 2025.
Créer autant de comptes qu’il existe d’administrations en ligne, puis retenir tous leurs identifiants et mots de passe est un casse-tête !
- La solution : FranceConnect, le système d’authentification officiel qui simplifie l’accès à plus de 700 démarches.
- Le principe ? Vous utilisez, quand vous vous connectez à un service pour la première fois, les identifiants d’une administration auprès de laquelle vous êtes déjà enregistré ; par exemple, ceux des impôts pour accéder aux sites de la Caf, de la Sécurité sociale, de votre mairie…
- Pour l’activer, il suffit de cliquer sur le bouton « S’identifier avec FranceConnect » lors de votre requête en ligne.
Un extrait de casier judiciaire coûtant 39 €, un extrait de naissance, 20 €… Nombreux sont les Français à tomber dans le panneau de sites commerciaux qui leur font payer à prix d’or des démarches administratives pourtant gratuites. Leur stratégie est bien rodée : selon les mots-clés tapés dans le moteur de recherche Internet, ils apparaissent en tête des résultats, arborant parfois une Marianne et un habillage bleu-blanc-rouge – ce qui peut tromper des internautes croyant accéder à une plateforme officielle.
La pratique n’est pas illégale. Néanmoins, ces entreprises, sous prétexte d’épargner un déplacement en mairie, d’accélérer une procédure, ou encore d’apporter un accompagnement personnalisé, font leur beurre sur le dos des usagers. Certaines vont même très loin, comme Demarcheo : non seulement elle facture 4,90 € un acte de naissance, mais elle oblige à souscrire un abonnement au tarif de 29,90 € tous les deux mois lors d'une commande !
Notre conseil : pour effectuer vos démarches administratives, ne retenez qu’un seul site, Service-public.fr.
Voici quatre pistes pour réaliser des démarches en ligne quand on n’a pas d’ordinateur ou de connexion Internet.
1. Espaces numériques publics
Ils donnent accès à des appareils connectés (PC, smartphone…) pour effectuer des démarches, se former à Internet ou se perfectionner. Liste des lieux (maisons de services au public, associations…) à obtenir en mairie.
2. Bibliothèques et médiathèques
Des postes informatiques y sont disponibles en libre-service, parfois sur réservation, pour surfer ou utiliser des logiciels bureautiques, voire imprimer et scanner. Le temps d’utilisation peut être limité.
3. Points numériques des préfectures et sous-préfectures
Réservés aux téléprocédures du ministère de l’Intérieur (demandes de carte d’identité, de passeport, de permis de conduire et de carte grise), ils sont équipés d’une imprimante et d’un scanner.
4. Depuis votre smartphone
Plus de 800 villes ont installé un wifi public gratuit via l’initiative portée par l’Union européenne, WiFi4EU. Il est accessible dans les parcs, bâtiments officiels, bibliothèques, centres de santé, musées… et signalé par le pictogramme « Wifi public ».