A la campagne, des épiceries multiservices pour "recréer "

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

Comme dans le petit village de Pierreclos, la start-up lyonnaise Comptoir de campagne fait essaimer des établissements qui servent de dépôt alimentaire à côté d’autres services, permettant ainsi de recréer du lien dans des déserts ruraux. Et ça marche.

Et si c’était grâce à Jean-Pierre Pernaut ? C’est en regardant le journal du présentateur du « 13 heures » de TF1 que Rémy Martinot, maire de Pierreclos, un village de 900 habitants dans le Mâconnais (Saône-et-Loire), a décidé, il y a quelques mois, de lancer sa bouteille à la mer. Depuis plusieurs années, le journaliste star, qui devrait quitter son poste en décembre, promeut l’opération « SOS Villages », dont l’objectif est d’aider à la relance des commerces en zone rurale. Commerçants et artisans peuvent déposer une annonce sur le site Sosvillages.fr pour trouver des repreneurs potentiels, tout comme les collectivités voulant attirer des professionnels sur leur territoire. Les plus belles histoires ont droit à leur reportage dans le JT.

Sans trop y croire, l’artisan du bâtiment à la retraite tente sa chance. Natif du village où il est élu depuis 1989, Rémy Martinot a vu, au fil des années, les commerces baisser leurs rideaux et les services publics disparaître. « La boulangerie en 2014, la boucherie en 2015, l’épicerie-dépôt de pain-tabac un peu après, sans oublier La Poste, énumère-t-il. Il ne reste plus qu’un café, qui va fermer dans quelques mois. »

Créer un commerce multiservice

Pour arrêter la désertification, le maire s’est battu pour installer un pôle médical sur sa commune, avec médecins, infirmiers et kiné, et a fait voter le projet d’un commerce multiservice, dans un bâtiment neuf construit par la mairie. Restait à le mettre en gérance. Il y avait bien les appels du pied de plusieurs enseignes de grandes surfaces qui espéraient ouvrir une supérette, mais l’idée ne l’emballait guère. « Proposer des produits identiques à ceux des supermarchés mais à des prix plus élevés, dans un lieu sans âme, je ne voyais pas l’intérêt », raconte l’élu moustachu en bras de chemise, qui rêvait d’un « point de rencontre dans lequel on trouverait des produits locaux et aussi tout une gamme de services, pour recréer un esprit village ».

Sans le savoir, M. Martinot résumait là le concept de la start-up lyonnaise Comptoir de campagne, créée en 2016. C’est d’ailleurs elle qui le contacte à la suite de l’annonce qu’il a fait paraître. Le 18 juin, le Comptoir de Pierreclos a ouvert la onzième adresse de ces points de vente ruraux. A côté d’une offre de produits alimentaires, fournis en majorité par des producteurs du cru, on y trouve un dépôt de pain, un dépannage de tabac, un service de retrait de colis et relais de La Poste, de cordonnerie et de serrurerie, et même un espace café-snack.

Avec son sens de la formule, Pierre Bouzard, cheveux blancs et grosse moustache assortie, ancien photographe de presse, résume : « C’est un peu le dernier endroit où l’on cause. » Chaque matin, celui qui est « revenu au pays natal » pour y couler une retraite tranquille partage café et petits riens de la vie du village avec un groupe d’habitués du même âge, originaires eux aussi du coin. « On avait perdu la convivialité », constatent autour d’une bière artisanale Jacqueline et Richard, qui devisent avec leur ami José, tee-shirt et bermuda en jean, en retraite depuis deux ans, après des années à l’usine de salaison, principal employeur des environs.

Polyvalence

En grand tablier d’épicier, Géraldine Merveille et Séverine Laurent, les deux responsables du comptoir, répondent avec la même amabilité à l’achat d’une baguette de pain, d’un carnet de timbres ou d’une bouteille de mâcon-villages. Originaire de Pierreclos, où elle habite, Séverine connaît tout le monde. Géraldine vient de s’y installer, mais maîtrise déjà bien les goûts et les habitudes de sa clientèle. « Nous sommes ouverts six jours sur sept, du mardi au dimanche, il faut être super-polyvalent, explique la dynamique quadragénaire en tee-shirt rayé rouge. Savoir passer d’un métier d’épicière à celui de postière ou de marchand de tabac, et gérer les dépôts de pressing ou de cordonnerie. »

Salariées de Comptoir de campagne, elles disposent d’une vraie indépendance pour « faire tourner leur magasin » et répondre à la demande locale. « Il y a les grands-mères ou grands-pères qui viennent acheter une bricole pour discuter, ceux qui passent de temps en temps en dépannage, et ceux qui cherchent une offre différente du supermarché du coin. » Pantalon à pois, chignon et « tote bag » en tissu, Marie Therville, jeune assistante sociale et céramiste, fait partie de cette catégorie. Elle achète ses légumes et toute la crémerie au comptoir et réserve la grande surface, « de temps en temps, pour les grosses courses ». Cliente régulière, la jeune femme, mère d’un petit garçon, « revit » aussi grâce au relais Poste« C’est génial. Plus besoin de me déplacer à Mâcon pour livrer mes clients qui ont commandé sur mon site. »

https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2020/11/15/a-la-campagne-des-epiceries-multiservices-pour-lutter-contre-la-desertification_6059782_4497916.html

A la campagne, des épiceries multiservices pour "recréer "

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