Vieillissement : à Helsinki, la vie en collectivité pour rester actif
L’Association finlandaise des seniors actifs a déjà construit deux résidences et prévoit d’en bâtir une troisième. Leurs habitants y organisent leur vie pour rester le plus longtemps possible actifs.
Il y a dix ans, Kalasatama, au nord-est de la capitale finlandaise, n’était qu’une gigantesque friche industrielle. Depuis, des bâtiments ultramodernes ont poussé à tous les coins de rue dans ce quartier d’Helsinki, transformé en laboratoire géant, pour tester de nouvelles solutions. S’élevant sur neuf étages de briques rouges, la résidence Kotisatama, achevée en 2015, occupe une place de choix, en bord de mer, à une centaine de mètres à peine du métro et d’un centre commercial.
Dans la rue, un étrange véhicule est stationné devant les grandes fenêtres de la salle à manger : « C’est une navette sans chauffeur qui fait le tour du quartier », explique Marjut Helminen, fringante retraitée de 72 ans, habituée au regard étonné des visiteurs à qui elle fait faire régulièrement le tour du propriétaire. « La semaine dernière, nous avions des Chinois, confie-t-elle. Ils n’ont pas compris comment on se débrouillait sans directeur. »
Sur le mur du hall d’entrée, devant les portes de l’ascenseur, l’écran digital témoigne de l’organisation bien huilée de la vie des 81 résidents de cet habitat communautaire, sans personnel. Les résidents peuvent retrouver les informations sur leurs téléphones portables : menu du dîner servi à 17 heures, liste des activités au programme et contacts des responsables de chacune d’entre elles.
Pilates, couture, bowling, cinéma… « Il y en a pour tous les goûts », assure Marjut Helminen. Elle rappelle que rien n’est obligatoire, si ce n’est de faire partie d’un des six groupes qui se relaient chaque semaine pour faire la cuisine et le ménage dans les espaces collectifs. Sur 500 m2, ils comprennent une salle à manger et sa cuisine attenante, une bibliothèque, un atelier, une buanderie et, au dernier étage du bâtiment, une salle de gym avec ses incontournables saunas.
Des résidents impliqués
Pour Marjut Helminen, l’aventure a commencé il y a une dizaine d’années. L’ancienne journaliste, divorcée, avait assisté au lent déclin de sa mère, décédée à près de cent ans et confinée, durant les dernières années de sa vie, dans son appartement, où défilaient infirmières et aides ménagères.
En Finlande, seules les personnes souffrant de maladies graves ou de démence avancée sont placées en résidence. Les autres reçoivent des soins à domicile. Une approche moins coûteuse et plus humaine. Mais qui souvent mène à la solitude des personnes les plus âgées, incapables de sortir seules.
Je savais que je ne voulais pas finir comme ça », confie Marjut Helminen. En surfant sur Internet, elle découvre le projet d’habitat communautaire, chapeauté par l’Association des seniors actifs – une ONG, créée en 2000, qui a déjà construit une première résidence en 2006. A Kotisatama, 63 appartements de 38 à 77 m² sont mis en vente, au prix du marché (4 370 euros le m²).
Dès le départ, les résidents sont impliqués dans la construction du bâtiment, l’agencement des pièces et le choix des meubles pour les espaces communs. Ils organisent des réunions pour fixer les règles de la vie en collectivité. Au préalable, ils passent tous un entretien : « Nous voulions être sûrs que chacun savait dans quoi il s’engageait », explique Lena Kahtera, 73 ans, ancienne présidente de l’association et résidente de Kotisatama.
« Nous voulons être actifs »
Car « ce n’est pas du self-service », commente Marjut Helminen. Mme Kahtera complète : « Nous avons choisi de vivre ici parce que nous voulons être actifs. Nous espérons qu’une activité régulière et une alimentation saine nous permettront de rester en bonne santé aussi longtemps que possible. »
Même si ce n’est pas toujours facile de vivre en collectivité. Ainsi, durant les premiers mois, la répartition des places de parking, moins nombreuses que les voitures, a semé la zizanie, raconte Mme Kahtera : « Certains étaient tellement en colère qu’ils ont menacé de ne plus participer aux activités collectives. Il a fallu faire venir un expert en gestion de crise. » Depuis, la paix est revenue.
A Helsinki, une troisième résidence du même type est en construction. Si ce genre d’habitat est encore rare, les communes finlandaises ont compris l’importance de faire participer les seniors à des activités et leur proposent des programmes développés avec les associations de retraités. En plus d’entretenir la santé physique, ils visent aussi à rompre l’isolement des plus âgés, dont la moitié vivent seuls à Helsinki.
A Kotisatama, la moyenne d’âge dépasse 70 ans. Un jour, il faudra repenser l’organisation. Récemment, le premier résident est décédé. La veille, il travaillait en cuisine. Marjut Helminen conclut : « C’est comme ça que j’aimerais partir. »
Par Anne-Françoise Hivert Publié dans Le Monde