"OK boomer", autrement dit "cause toujours, baby-boomer".

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

L’expression est devenue virale aux Etats-Unis, et arrive en France, révélatrice des frustrations de la jeune génération face aux "vieux" qui semblent mépriser leurs angoisses, notamment sur le changement climatique.

"OK boomer !" Peut-être, sur les pancartes de jeunes grévistes, avez-vous vu passer cette apostrophe. Si vous avez plus de 25 ans, sans doute n'avez-vous pas compris de quoi il retournait. Et peut-être êtes-vous passé à autre chose. "OK boomer", autrement dit "cause toujours, baby-boomer"… En quelques mois, l'expression est devenue virale chez les jeunes Américains, et débarque en France. Une façon simple et courte pour les générations Z et Millenials de remettre à sa place cette génération plus âgée, qui ne semble pas les écouter. Un cri de ralliement d'une génération, révélateur de leurs frustrations face à ces "vieux" qui les prennent de haut. 

La formule est apparue en début d'année sur des réseaux sociaux que les plus de 20 ans ne connaissent sans doute pas, comme TikTok. Une vidéo mise en ligne en juillet a notamment contribué au buzz. Et est un bon résumé de la situation. On y voit, sur une moitié d'écran, un homme d'une soixantaine d'années, parfaitement content de lui, sermonner une ado,  sans la laisser parler : "Les jeunes ont le syndrome de Peter pan, ils ne veulent pas grandir, ils ont de grands idéaux, et cette utopie où tout est égalitaire",dit-il. "Devinez quoi ? Comme nous, les baby-boomers et les générations précédentes, vous allez grandir, et réaliser que les choses ne sont pas gratuites, ni égalitaires, et que votre société utopique n’est pas faisable". A côté, l’ado écoute, lève les yeux au ciel. Puis finit par écrire sur une feuille de papier "OK Boomer". Depuis, l’'expression a fleuri sur les tee-shirts et les sites de vente en ligne. 

    Marre d'être pris à la légère

Les plus de 20 ont eux sans doute découvert le phénomène via un article du New-York Times fin octobre, intitulée "'OK Boomer' Marks the End of Friendly Generational Relations" ("'OK Boomer' marque la fin des relations générationnelles amicales", ndlr). Une députée néo-zélandaise de 25 ans a continué à faire voyager l’expression, en rétorquant "OK boomer" à un collègue au Parlement de Wellington, qui la chahutait alors qu'elle parce qu’elle dénonçait l'inaction face au changement climatique. Buzz mondial. 

"OK boomer est devenu la réplique sans fin répétée de la génération Z, aux problèmes des baby-boomers qui ne comprennent tout simplement pas, un cri de ralliement pour des millions d’enfants fatigués", analyse le New-York Times dans son article. "Les adolescents l'utilisent pour répondre aux vidéos YouTube de Cringey, aux tweets de Donald Trump et, fondamentalement, à toute personne de plus de 30 ans qui dit quelque chose de condescendant sur les jeunes - et les problèmes qui comptent pour eux." Marre d'être rabaissés. Marre d’être peu écoutés ou pris à la légère. Marre d’être incompris. Voilà ce que disent les jeunes à cette génération du dessus, qui est en plus en partie responsables des problèmes pour lesquels ils s veulent se mobiliser. 

Derrière le cri, une image s’impose : celle de la Suédoise Greta Thunberg, 16 ans, qui a poussé des centaines de milliers de jeunes à manifester pour le climat à travers le monde. Mais qui est aussi régulièrement raillée par des gens plus âgés, sur Twitter notamment.

Pourtant, les baby-boomers ne devraient pas railler. Car la liste des "problèmes" qu'ils ont légués aux "millenials" et à la Génération Z est longue, décryptée dans une étude menée par le site Student Pop : un changement climatique de plus en plus tangible, des loyers en constante augmentation ou encore la précarité de la jeunesse étudiante. Et leur volonté de se mobiliser, de mener des actions concrètes, un combat sociétal, semble se heurter au cynisme de leurs aînés.  

    Querelle des Anciens et des Modernes

Reste que tout le monde ne semble pas totalement s’accorder sur la tonalité de l’expression autant que sa traduction. "OK Boomer", est-ce une manière sèche mais polie de clouer le bec, ou doit-on la rapprocher du "tais-toi vieux con" ? Insulte, ou simple "bashing" ?  Si d’après l’étude de Student Pop, l’expression serait surtout (pour 51% des jeunes) un moyen de se faire entendre des plus âgés, ces derniers semblent souvent eux, y, voir une insulte. C’est comme cela qu’a réagi aux Etats-Unis William Shatner, acteur de la série Star Trek, 88 ans : il a qualifié le terme d'"insulte infantile" quand il lui a été adressé sur Twitter. 

En France, plusieurs articles de presse ont parlé du phénomène, souvent sous l’angle du "racisme anti-âge", ou "âgisme". Ainsi, un journaliste écrit sur le site de l'Alsace "Les jeunes générations ont développé une nouvelle forme de discrimination à  l'égard des 55-75 ans : l'âgisme. Elle se manifeste notamment sur les réseaux sociaux avec le méchant 'OK boomers' que l'on peut traduire par 'vieux con'". Il voit dans ce mot l'expression d'un "conflit des générations", et une véritable "fracture dans la société française." Le titre d'un article du Parisien va dans le même sens : "Ok Boomer, quand les jeunes font de la discrimination anti-vieux". Un angle qui se fait reprendre sur les réseaux sociaux.

Avec cette expression 'Ok boomer !', on est dans la censure de la parole des personnes âgées- Audrey Dufeu-Schubert, députée LREM

Dans un édito publié ce vendredi sur RTL, intitulé "la guerre des générations est ouverte", le journaliste Olivier Bost livre son analyse : "Les rapports entre les jeunes et les moins jeunes se dégradent", estime-t-il. "Les retraités soutiennent la réforme des retraites tandis que les jeunes générations reprochent aux plus anciens de n'avoir rien fait pour le changement climatique". Il y voit un "phénomène qui s'amplifie et qui, si l'on ne fait pas plus attention, risque de finir en guerre générationnelle". Une guerre générationnelle, qu'il définit comme celle "des égoïstes contre les malheureux".

Sans doute derrière tout cela a insufflé l’analyse posée par la députée LREM Audrey Dufeu-Schubert, qui vient de déposer 87 propositions pour lutter contre l'âgisme dans le cadre du plan Grand Age. Et dans des propos repris par le Parisien, elle crucifie l'expression : "Avec cette expression 'Ok boomer !', on est dans la censure de la parole des personnes âgées. Cela participe à l'âgisme qui est, en effet, une forme de racisme, du moins une discrimination", estime la députée. La discrimination liée à l’âge existe belle et bien, que ce soit dans le travail, dans la société ou dans les politiques publiques. 

Mais ce lien directement établi avec les jeunes générations traduit une crainte sourde, transcrite par le journaliste Olivier Bost dans son édito : "Derrière les échanges sur les réseaux sociaux, un autre risque existe. Ce risque, c'est celui de voir une partie de la société considérer les personnes âgées uniquement comme un 'poids,' un 'coût' ou encore un 'fardeau'". "C'est l'autre défi du vieillissement de nos sociétés. Avec les débats sur les retraites ou sur l'urgence climatique : nous voilà dans une guerre des générations."

    Les conflits entre générations sont naturels mais les sujets de contestation sontgraves- Tom Hirschl, professeur de sociologie à l'AFP

Conflit de génération, donc ? Toujours dans l’Alsace, le journaliste ne se prive pas de rappeler que les jeunes contre les vieux, "ce n’est pas nouveau, que les boomers en question répondaient en bon français 'vieux con"' à leurs parents quand ils leur reprochaient d'avoir les cheveux trop longs (aux garçons) ou les jupes trop courtes (aux filles)". Manière de rappeler que chacun, en son temps, a été rebelle ! 

Sauf que si "les conflits entre générations sont naturels", comme l'estime auprès de l’AFP le professeur de sociologie à l'université Cornell Tom Hirschl, le contexte a changé : "Les sujets de contestation actuels sont particulièrement graves", dit-il. "Inégalités économiques croissantes et changement climatique, deux menaces existentielles. On peut juste lancer ça, ça a une valeur symbolique. Mais le contexte sous-jacent est profond".

Force du système, l’expression a en tout cas déjà été reprise et détournée par les plus âgés, notamment par une application de dating pour seniors, qui affiche dans sa campagne de promotion : "Ok Boomer*, avez-vous été sage cette année ?", avec en illustration un père Noël très sexy. L'expression a atteint la reconnaissance. Sauf qu'en gagnant le monde des "vieux", elle a peut être dans le même temps signé sa fin : "Très souvent, quand les médias traditionnels s'emparent d'une expression populaire chez les jeunes, sa fin est proche", estime ainsi auprès de l'AFP le linguiste Ben Zimmer

Sybille Laurent, Publié par LCI Daily, le13 décembre 2019

https://www.lci.fr/famille/ok-boomer-comment-les-jeunes-remettent-a-leur-place-les-vieux-a-qui-ca-ne-plait-pas-du-tout-2140319.html

"OK boomer", autrement dit "cause toujours, baby-boomer".
"OK boomer", autrement dit "cause toujours, baby-boomer".
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