Au Japon, le travail des seniors, réponse à la pénurie de main-d’œuvre

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

Selon un sondage réalisé pour le gouvernement nippon, deux Japonais sur trois de plus de 60 ans veulent continuer à travailler après 65 ans. Un résultat qui s’explique par la modicité des pensions de retraite. 

Travailler après la retraite n’a rien d’exceptionnel au Japon. Sur les chantiers, dans les usines ou les bureaux, il n’est pas rare de croiser des personnes de plus de 70, voire 80 ans. Un besoin vital pour un pays vieillissant, où le taux de chômage ne dépassait pas 2,2 % en juillet, avec 1,59 offre d’emploi par chômeur, voire 6 pour 1 dans des secteurs comme la construction ou la restauration.

Or, avantage pour l’Archipel, selon un sondage réalisé pour le gouvernement, deux Japonais sur trois de plus de 60 ans veulent continuer à travailler après 65 ans. Résultat, en 2017, le taux d’emploi des 65-69 ans atteignait 54,8 % chez les hommes et 35 % chez les femmes. Un record dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Faire travailler les seniors permet donc de répondre, même partiellement, à une pénurie grandissante de main-d’œuvre.

Autre avantage, cela repousse le moment de la perception de la pension. Aujourd’hui, l’âge de la retraite est fixé à 60 ans – 65 ans dans la fonction publique depuis 2018. Celui de la perception de la pension à taux plein s’établit à 65 ans et pourrait passer à 70 ans. Considérant l’augmentation de la durée de vie, le gouvernement y réfléchit.

    20 % des plus de 65 ans dans une situation de pauvreté relative

Le travail des seniors doit aussi compenser la modicité des pensions de retraite – en moyenne, 150 000 yens (1 269 euros) par mois –, pensions qui ne devraient pas augmenter, tant les dépenses sociales ne cessent de croître. Ces dépenses pourraient atteindre 140 000 milliards de yens (1 185 milliards d’euros) en 2025, contre 120 000 milliards de yens en 2017. Selon l’OCDE, près de 20 % des Japonais de plus de 65 ans se trouvent aujourd’hui dans une situation de pauvreté relative, un niveau parmi les plus élevés des pays développés.

En juin, plusieurs commissions du ministère des finances en sont venues à recommander aux contribuables d’économiser pendant leur vie active afin de bénéficier d’une épargne de 15 à 30 millions de yens (entre 127 000 et 254 000 euros) pour compléter leur pension et faire face à des frais médicaux dont les taux de remboursement baissent.

Au-delà des questions budgétaires, le maintien en activité de personnes dotées de compétences solides permettrait aussi de faciliter le fonctionnement des entreprises. « L’industrie au Japon s’organise verticalement avec des fournisseurs de taille moyenne. Les travailleurs des générations précédentes ont établi des liens de confiance, indispensables pour faire fonctionner ce réseau », explique Nobuko Kobayashi, analyste chez EY-Parthénon.

     Réduire le recours à l’immigration

Du point de vue japonais, faire travailler des personnes âgées permet également de réduire le recours à l’immigration. Le 1er avril, une nouvelle législation est entrée en vigueur qui assouplit l’accès au marché de l’emploi nippon pour les étrangers dans 14 secteurs en manque de personnel, comme les soins aux personnes. Mais cela reste limité et surtout très encadré – les travailleurs ne peuvent faire venir leur famille – dans un pays réticent à s’ouvrir, même si le nombre d’étrangers a atteint 1,46 million en octobre 2018, un record et un chiffre 

Pour autant, et malgré le volontarisme gouvernemental, les politiques des entreprises paraissent contrastées. Elles fixent leur propre âge de départ à la retraite – généralement inférieur à 65 ans – et les employés souhaitant rester au-delà sont souvent réembauchés à un salaire nettement inférieur, parfois de plus de 50 %. Un niveau si bas que nombre de néoretraités préfèrent finalement vivre de leur pension.

 

 

 

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