L’aide alimentaire nourrie par le bénévolat des séniors : une épicerie solidaire en Dordogne

Publié le par Or gris : seniors acteurs des territoires, dans une société pour tous les âges

S’il vous arrive de franchir la porte d’une de ces épiceries sociales qui émaillent le territoire français, dans des quartiers urbains comme dans des petits villages ruraux, vous serez certainement accueillis par de dynamiques seniors, et surpris de l’activité qui règne dans ces lieux.

C’est un fait, l’aide alimentaire fonctionne grâce à l’énergie des seniors. On ne les comptes plus, engagés dans la distribution des denrées alimentaires auprès des Restos du Cœur, la Croix Rouge, les Secours Populaire et Catholique, etc. Et plus récemment, dans la création et l’animation des épiceries sociales et/ou solidaires

Ce modèle innovant d'accès à l'alimentation croît d'année en année. Adossées à des CCAS ou à des associations privées, les épiceries sociales et solidairesont pour vocation d'accueillir, sur une durée déterminée, des publics en situation de précarité économique, orientés par des travailleurs sociaux, selon des critères de « reste à vivre »[1].L’épicerie solidaire se présente comme un commerce de proximité ; elle permet à un public en situation de difficulté financière de faire ses courses pour la semaine en achetant les produits dont il a besoin et selon ses goûts, à un prix qui va de 10% à 30% de leur valeur marchande. On y trouve un peu de tout : fruits et légumes, viandes, produits laitiers et surgelés, épicerie, ainsi que des produits d'hygiène et d'entretien. Les épiceries sociales et solidaires permettent ainsi un accès à une alimentation choisie, pendant une durée déterminée, tout en réalisant des économies dans le but de financer d’autres dépenses nécessaires au foyer.

Parallèlement à cela, les épiceries sociales et solidairesmettent en place des ateliers d'information, de sensibilisation et d'échanges autour de thèmes tels que la santé, l'équilibre alimentaire, l’estime de soi, la citoyenneté, le logement, l'équilibre des budgets, en faveur des publics aidés. En fonction de leurs compétences et centres d’intérêt, les bénévoles œuvrent à rendre ces lieux conviviaux, avec un souci d'échange et de partage autour de l'alimentation, et ainsi de favoriser la création de lien social et le maintien de la dignité de chaque personne aidée. Ainsi les savoir-faire de chacun sont mobilisés. On voit ainsi les imaginations se déployer et fleurir les ateliers les plus divers : cuisine, coiffure, manucure, couture, réalisations artisanales, jardin potager, marche sportive, etc.

Le public des épiceries solidaires est très varié, mêlant des personnes bénéficiaires de minima sociaux, des « travailleurs pauvres », des familles monoparentales, des retraités, des intérimaires et saisonnier, des étudiants sans ressources, ou bien des personnes aux prises avec un accident de la vie…

Ainsi, on peut décrire l’exemple de l’Epicerie du Soleil à Sarlat-la-Canéda en Dordogne. Claudine Noue, l’actuelle présidente depuis 2013, témoigne. Conseillère en économie sociale et familiale, Claudine a travaillé 20 ans pour le CCAS de la commune de Sarlat et responsable de l’action sociale du CIAS du Périgord Noir. Elle avait formulé le constat, avec ses partenaires du champ social, que de nombreuses personnes étaient en difficulté financière tout en dépassant les plafonds leur permettant d’accéder à des aides. Et par ailleurs, il est moralement difficile pour beaucoup de gens en situation de précarité économique d’aller chercher un colis à l’aide alimentaire… D’où l’idée de créer une épicerie sociale.

Sarlat et la communauté de communes du Périgord noir jouissant d’une vocation touristique importante, et afin d’éviter des frais de fonctionnement, ces collectivités ont préféré qu’une association loi 1901 assure le portage de cette épicerie solidaire. Tout s’est mis en place en 2009, grâce au travail de l’équipe mobilisée par Claudine Noue, essentiellement composée de seniors bénévoles. La municipalité octroie une subvention annuelle ainsi que le prêt d’un local. C’est ainsi que l’épicerie du Soleila vu le jour en janvier 2010, portée par un Conseil d’administration composé pour partie de conseillers municipaux et d’une demi-douzaine de jeunes retraités, sous la présidence de M.Salvadori, engagé par ailleurs avec la Croix rouge. L’épicerie sociale est alors essentiellement alimentée par la Banque Alimentaireet par quelques légumes produits en saison par le jardin collectif d’insertionporté par le CIAS.

Depuis le démarrage, une dizaine de bénévoles - des retraités âgés de 60 à 82 ans - fait tourner l’épicerie sociale. Si leur nombre ne croit pas au fil des années, le renouvellement se réalise naturellement, par le jeu du bouche à oreille, des interconnaissances. Et il y a du travail pour tous les profils. L’épicerie du Soleilaccueille chaque semaine entre 25 et 50 personnes, représentant autant de familles, soit près d’une centaine de personnes à nourrir, lors de son jour d’ouverture, le jeudi.  

Cela demande tout un travail d’organisation. En effet, afin d’avoir chaque semaine une offre de denrées variées à proposer aux adhérents, il faut se répartir les tâches. Deux bénévoles sont chargés d’aller chercher les produits que la Banque alimentaire de Dordogne met à disposition, au moyen de leur véhicule personnel et de glacières. Ils effectuent aussi une tournée de « ramasse »auprès des supermarchés du territoire. Le tout est ensuite déposé à l’épicerie. Là d’autres bénévoles répertorient les marchandises et les enregistrent sur le logiciel de l’épicerie avant leur mise en rayon. L’équipe est formée aux notions d’hygiène et sécurité relativement au traitement des denrées. Le jour de vente, trois bénévoles sont là dès le matin, remplacés par trois autres l’après-midi. Les adhérents sont inévitablement accueillis autour d’un café et quelques gâteaux ; les jeunes enfants ont un coin de jeux mis à disposition. Et, comme au supermarché, il faut scanner les articles à la caisse, pour chaque client, tandis qu’un autre bénévole s’assure du réapprovisionnement des rayons au fur et à mesure. Il s’agit aussi de prendre du temps pour discuter avec chacun, vanter certains articles ou échanger sur les recettes de cuisine. C’est l’activité la plus appréciée par les séniors. Car évidemment, il est plus compliqué pour certains de maitriser le logiciel et certaines tâches, comme la réalisation des bilans annuels, apparaissent comme rébarbatives. Une fois par mois, un atelier cuisine est proposé, qui débouche sur le partage du repas, un bon moment de convivialité.

Claudine Nouea choisi d’adhérer à ANDES, l’association nationale qui fédère les épiceries sociales. Cela permet à l’épicerie du Soleilde bénéficier d’un réseau, d’une enveloppe financière et notamment du dispositif Uniterresqui démarrait. Uniterrescorrespondait tout à fait à la vision éthique de l’équipe de bénévoles : améliorer la qualité nutritionnelle de l’alimentation des adhérents tout en soutenant une agriculture de proximité par l’achat en direct de fruits, légumes et œufs de saison, et la réduction des emballages. Les clients-adhérents sont généralement satisfaits de l’offre qui leur est proposée à l’épicerie. La plupart ont à cœur de préserver la bonne santé de leur famille et l’idée de soutenir en retour un agriculteur local par leur acte d’achat est stimulante. Bien sûr, comme dans tous les milieux ruraux, un certain nombre de personne réalise son potager ou sait se procurer quelques légumes à bas coût. Toutefois, tous ne jouissent pas d’un jardin, ni de la santé qui convient, sans parler du savoir-faire. C’est pourquoi l’épicerie sociale constitue un maillon de remédiation, un lieu de vie et d’échanges, où les seniors peuvent transmettre leurs connaissances, afin de permettre au public accueilli d’exercer ses choix et trouver les moyens de sa propre résilience.

Article réalisé par Isabelle Techoueyres, animatrice ANDES des épiceries solidaires et Uniterres de Dordogne, jusqu’en juin 2018.

Paru dans le dossier « Vieillir actifs à la campagne » de la revue POUR n°233 du GREP, septembre 2018, dans l’article « … Des lieux pour se rencontrer, partager, faire… » (p. 178)

Contact : Épicerie du Soleil,place Marc Busson, 24200 Sarlat-la-Canéda, 05 53 31 89 22 

ANDES  Association Nationale des Épiceries Solidaires, 7 rue de Domremy, 75013 Paris ; 01 44 24 09 30‬

Merci encore à Isabelle pour cette présentation convaincante d’une initiative seniors remarquable…

 

[1]Le reste à vivre est ce dont un foyer dispose pour vivre un mois, une fois les charges fixes payées.

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