Etre un aidant pour ses proches malades, le coût de la solidarité
8,3 millions d'aidants soutiennent un proche malade, âgé ou handicapé. Cela prend du temps, mais, selon l'étude que nous révélons, cela impacte aussi le porte-monnaie.
Du temps et de l'argent. Pour les aidants, c'est la double peine. Une étude d'OpinionWay pour la caisse de retraite Carac que nous publions en exclusivité établit qu'une personne qui a la charge d'un proche malade, âgé ou handicapé, consacre en moyenne seize heures par semaine à son «aidé» et trente heures s'il le fait à temps complet. Mais ce n'est pas son seul investissement. Cela lui coûte aussi quelque 2 049 € par an.
«Sans compter les congés sans solde», commente Bernard Altariba, directeur des adhérents de la Carac. «Il y a beaucoup de postes pris en charge par l'aidant que l'on n'envisage pas», souligne-t-il. A commencer par celui des transports : 458 € par an, selon l'étude. Florence Leduc, présidente de l'Association française des aidants, a dû débourser beaucoup plus. «Mes parents vivaient à 800 km et j'y allais tous les week-ends, donc vous imaginez !»
«Ca m'est tombé dessus»
Philippe De Boni, habitant du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis), qui aide ses deux parents malades, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, a vu ses revenus chuter considérablement depuis qu'il a emménagé chez eux il y a quatre ans.
Cet ancien technicien d'un bureau d'études automobile explique que «ça lui est tombé dessus.» Sa mère, atteinte d'une maladie neurodégénérative, a besoin d'assistance quotidienne. Puis, c'est au tour de son père. L'organisation de leur maintien à domicile s'est imposée «comme une évidence» à ce célibataire. Il devient leur employé, grâce à l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) que touchent les deux personnes âgées de 89 et 92 ans. «Mon père a sa petite retraite d'ouvrier, ma mère ne travaillait pas. Je gagne tout juste le smic, et encore, j'ai de la chance qu'ils soient deux ! On s'en sort, on a de quoi manger», relativise l'homme de 51 ans. Une chance qu'il soit enfant aidant, car un conjoint ne peut pas être salarié de son aidé.
«Si demain on fait la grève, qu'est-ce que vous faites?»
Florence Leduc s'étonne que le sujet ait été délaissé par les candidats à la présidentielle. «Pour ceux qui doivent s'arrêter de travailler pour s'occuper d'un proche, l'impact financier est immédiat et à plus long terme sur leur retraite», regrette-t-elle. «La mienne sera très amenuisée», confirme Philippe De Boni qui ne se projette pas dans le futur, trop occupé : «Je suis à la fois animateur, infirmier, homme de ménage, éducateur...» Cette vie lui coûte : «Je ne suis pas parti en vacances depuis trois ans, je ne fais plus de sport, mes amis ont déserté.» Il ne s'accorde pas un jour de répit, en espérant ne pas «disjoncter». «J'ai peur de partir, avoue-t-il, j'ai développé un tel lien avec mes parents, je crains qu'ils soient trop désorientés avec quelqu'un d'autre.»
Que demande Philippe ? «Qu'on soit reconnus par la société», répond-il... Après tout, la contribution informelle des aidants s'établit à 164 Mds€ par an selon le sociologue Serge Guérin. «Si demain on fait grève, qu'est-ce que vous faites ?» lance-t-il.
publié par Le Parisien du 27 avril 2017