L’emploi des séniors, un choix à éclairer et à personnaliser
Le taux d’emploi des séniors a fortement augmenté ces quinze dernières années. Il est passé pour les 55-64 ans de 37,9 % en début de 2008 à 48,9 % à la fin de 2015. Cela est dû à la réforme des retraites d’une part (recul de l’âge légal de départ en retraite), hausse de la durée de cotisation, quasi suppression des préretraites à financement public, fin du dispositif de dispense de recherche d’emploi de l’assurance-chômage. Malgré cette augmentation, le taux d’emploi des séniors est inférieur de 10 points à la moyenne des pays de l’OCDE. Dans une note du CAE (Conseil d’analyse économique) de mai 2016, Pierre Cahuc, Jean Olivier Hairault et Corinne Prost dressent un bilan de l’emploi de séniors en France et font des propositions pour l’avenir.
Plusieurs réformes ont été menées, actionnant 3 leviers principaux : augmentation du taux de prélèvement, diminution de la pension moyenne relative et augmentation de l’âge moyen de départ.
- Dès la fin des années 1980, l’indexation des retraites sur les prix et non plus sur les salaires a eu pour conséquence une baisse du pouvoir d’achat au fur et à mesure de l’avancement dans la retraite. Ceci a pour conséquence des trappes à pauvreté sur le long terme.
- La réforme de 1993 a porté sur le régime général et les 3 régimes alignés. La durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein passe de 37,5 à 40 années. Le salaire moyen de référence servant de base pour le calcul de la pension se fonde sur les 25 meilleures années et non plus sur les 10
- La réforme de 2003 a touché l’ensemble des régimes de retraite, à l’exception des régimes spéciaux. Elle aligne progressivement la durée de cotisation des fonctionnaires sur celle des salariés du privé (de 37,5 à 40 ans) et allonge la durée de cotisation pour tous à partir de 2009 pour atteindre 41 ans en 2012. Un système de décote et de surcote est généralisé.
- La réforme de 2010 puis la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2012 relèvent progressivement l’âge d’ouverture des droits à la retraite pour atteindre 62 ans. Cela concerne tous les salariés mais avec des calendriers de mise en œuvre différents.
- La loi du 20 janvier 2014 augmente la durée requise jusqu’à 43 ans, pour l’obtention du taux plein à partir de la génération 1973.
Les retraites anticipées pour carrières longues et la mise en place de dispositifs de retraite anticipée ont contrebalancé l’allongement des durées de cotisation limitant l’impact sur le taux d’emploi des séniors. Stable entre 1993 et 1999, puis en hausse de 0,4 % par an au début des années 2000, l’âge moyen de liquidation des droits à la retraite a connu une baisse de 7 mois en 2004. Puis l’âge s’est stabilisé à partir de 2009 et il a augmenté lors de la réforme de 2010.
- Depuis 2012, on observe un rebond des retraites anticipées pour carrières longues. Fin 2014, 182 200 bénéficiaires (soit plus de 92 % par rapport à 2012) réduisent l’âge moyen de départ à la retraite de près de 9 mois.
- Depuis les années 1980, le nombre de bénéficiaires de dispositifs de préretraites a commencé à diminuer, pour se stabiliser autour d’un effectif de 400 000 personnes dans les années 2000 pour s’éteindre progressivement dans les années 2010.
- Le système d’assurance chômage continue d’alimenter un dispositif implicite de préretraite pendant 3 ans avant l’âge légal de la retraite.
La remontée de l’emploi des séniors s’est accompagnée d’un accroissement de leur taux de chômage. Et 25 % des 4 millions de personnes âgées d’au moins 55 ans travaillent en 2014 à temps partiel contre 19 % pour l’ensemble des actifs occupés. Ils sont deux fois moins souvent que le reste de la population en emplois précaires. Mais la durée du chômage est plus élevée chez les séniors. La probabilité de retrouver un emploi est plus faible.
Les choix collectifs doivent se faire de manière transparente par une amélioration sur la connaissance des différents dispositifs : décote, surcote, retraite progressive, cumul emploi-retraite. Il faut unifier la gouvernance des retraites obligatoires et harmoniser les règles pour converger à terme vers un régime unifié à points.
Les auteurs de la note proposent plusieurs recommandations :
- 1-Faire mieux connaître les différent dispositifs de retraite « choisie » : décote et surcote, retraite progressive, cumul emploi-retraite, générateur de droits nouveaux à la retraite. Un effort de convergence entre les régimes de retraite doit être réalisé. Dans un régime à points ou régime en comptes notionnels, tout temps de travail donne lieu à cotisations. Ce système permettrait de concilier l’exigence d’équilibre des comptes des caisses de retraite et celle d’individualisation des choix de retraite.
- 2-Harmoniser progressivement les règles définissant l’accumulation des droits par rapport au taux plein. Organiser la concertation pour une réforme à terme vers un régime unifié à points ou en comptes notionnels.
- 3-Mettre en place un plan spécifique d’accompagnement et de formation pour les chômeurs de plus de 50 ans, en échange d’une réforme de l’assurance chômage des séniors. Les actions de Pôle emploi doivent être adaptées aux chômeurs de plus de 50 ans en améliorant le suivi et la formation, en les sensibilisant à une nécessaire modération salariale, en travaillant sur la réinsertion en termes de formation, de réseaux d’entreprises, et d’accompagnement.
- 4-Ramener la durée d’assurance chômage pour les plus de 50 ans à deux ans maximum. Reste la question du maintien de l’extension des droits à partir de 62 ans. La justification implicite du dispositif actuel est de faire la soudure jusqu’à un âge de la retraite à taux plein. Ce n’est pas à L’UNEDIC d’assurer une préretraite universelle. La logique de l’allocation transitoire de solidarité (ATS) est différente, elle s’est substituée à l’allocation transitoire de solidarité (AER), elle s’adresse aux personnes sans emploi et sous conditions de ressources ayant déjà atteint le taux plein avant 62 ans. Les questions de pénibilité et de santé doivent être traitées par d’autres dispositifs.
- 5-Supprimer l’extension de la période d’indemnisation à partir de l’âge légal jusqu’à l’âge de la retraite au taux plein. Cette proposition ne supprime pas totalement le risque d’une utilisation de l’assurance chômage par les entreprises. Il faut instituer un financement.
- 6-Instituer un système de bonus-malus pour les cotisations employeurs d’assurance-chômage. Un mécanisme de bonus-malus pour les entreprises doit contribuer pour partie au coût de l’indemnisation chômage de leurs salariés séniors. Cette contribution doit s’appliquer à tous les salariés.
La hausse très sensible du taux d’emploi des séniors depuis les années 2000 montre que le sous-emploi de cette catégorie de travailleurs n’est pas une fatalité. La France reste en dessous du taux de la plupart des pays de l’OCDE. Mobiliser cette force de travail reste un enjeu essentiel pour la prospérité.
Les auteurs de la note font le pari qu’un retraité possède une épargne et un patrimoine, qu’il peut choisir entre travail et loisirs. Ce n’est pas vrai pour toutes les catégories de retraités, notamment pour ceux qui ont eu des périodes de chômage et des carrières accidentées. Les femmes ont de faibles droits propres en matière de retraite, des carrières incomplètes et elles vivent plus longtemps.
Publié par "Clés du social" le mercredi 13 juillet 2016