Jean Le Monnier a quitté nos chemins de traverse…
C'était une oreille attentive aux gens, aux questions émergentes, aux innovations… Repérer ce qui est essentiel, mettre en lumière les pépites cachées, partager, construire ensemble, donner aux choses et aux faits leur valeur et leur place, contourner les règles quand elles étaient dépassées par la réalité … Jean, c'était notre banque de données, notre boite à idées, notre sage, notre référent, notre chef de chantier,… en toute sérénité, convivialité et rigolades …
Collaborateur de l’Enseignement agricole puis du GREP durant une quinzaine d'années - 1991 à 2006 - il était un pilier d'Européa FP, cet invraisemblable réseau, ce dispositif d'échange et de production entre acteurs de la formation et du développement des territoires : associations, CFPPA ou entreprises. Un dispositif ouvert, de partage et de construction collective des savoirs, pour de nouvelles activités rurales et une Europe solidaire. Jean y conduisait le pôle "nouvelles activités, nouveaux emplois pour le milieu rural" : entrepreneur rural, portage salarial, pluriactivité, groupement d'employeurs, SCIC, nouvelles formes d'organisation du travail, couveuses d'activité, travail partagé, il suffisait que la question émerge pour que s'y mettre avec les porteurs d'initiative, l'appui de chercheurs, de praticiens, d'experts, …
À raison d'une dizaine de projets locaux par regroupement, ce sont des dizaines d'actions locales qui ont participé au réseau : voyez l'essaimage que cela représente !!!…Tant pour les associations -CELAVAR - que pour les CFPPA, les entreprises, etc.…Le volet porté par Jean était articulé avec les autres projets européens concernant le genre ou l'insertion, ces chantiers se nourrissaient les uns les autres
Ces chantiers ont été valorisés et diffusés dans les numéros de POUR, tous remarquables et pour partie épuisés. Jean a aussi produit pour la revue de nombreux articles, il est à l'origine de bien d'autres. Durant toute la période, avec Jean, Européa FP a fait vivre le GREP et la revue POUR.
On a travaillé, avancé, découvert, partagé, voyagé, beaucoup ri et chanté, bref, ça a parfois été difficile, souvent complexe, mais toujours gai…
Avec lui, nous formions un duo improbable : lui le pondéré, moi la trop fonceuse.
Comment cela a t il pu fonctionner ? "Parce que c'était lui, parce que c'était moi", comme aurait dit Montaigne.
Ce qui a été réalisé a laissé des traces, permis des rencontres, des connexions : on a « réseauté les réseaux…"
Et puis, une fois à la retraite, il n'était pas question de s'arrêter, il a continué à avancer avec les mêmes valeurs ; il est parti militer à Terre de liens.
Jean Le Monnier nous a quittés le 11 janvier au soir. Attaqué par une leucémie fulgurante, il était hospitalisé depuis trois semaines, sous chimiothérapie, puis en aphasie, et une infection généralisée l'a emporté en moins de 2 jours.
La famille, les proches, les amis, les collègues, sont atterrés par la brutalité du départ, accablés par la perte.
À l'annonce de sa mort, nous avons reçu des dizaines de témoignages et de messages d'amis et de partenaires profondément marqués par ce qu'il nous a apporté, et surtout parce que tous nous l’aimions.
Je ne vous en livrerais qu'un ; il illustre bien le sentiment général :
Il y n'aura plus de Regards Croisés.
Mais un souvenir tenace,
Après tant d'années,
Toujours présent et que rien n'efface,
D'un homme vivant et bon.
Tout en lui était intelligent
et amoureux des gens.
Regard profond.
Passe au-delà du temps
Reste encore avec nous un moment.
France Joubert (Réseau Groupement d'employeurs)
Mais, sacré bon Dieu, voilà que je pleure…
Odile Plan, 26 janvier 2016
Jean le Monnier de Gouville est né en 1945, dernier d’une famille normande de 10 enfants. En 1966, il entre à la JEC où il prend des responsabilités. Etudiant, il suit une formation à l’IEDES, et en 1968 il vit intensément les événements.
En 1969 il épouse Marie-Christine. Il s’inscrit à une formation d’ouvrier qualifié fraiseur. Marie-Christine étant nommée à Grenoble, il est embauché comme fraiseur dans la région, milite à la CFDT et met de côté son « de Gouville ».
Au début des années 70, il travaille à Peuple et Culture Isère (PEC) dont il devient responsable et où il restera jusqu’à la fin des années 80. Durant toute cette période, et sous son impulsion, PEC Isère sera en pointe sur une série de dossiers porteurs d’innovations pour les territoires ruraux, hors du cadre étouffant des institutions dominantes du monde agricole. Il mène en particulier un travail de recherche et de réflexion concernant la petite entreprise rurale diversifiée, pluriactive et innovante, aboutissant, entre autres, à la conception et à la réalisation de formations d’entrepreneurs ruraux. Jean joue aussi un rôle déterminant dans la construction du réseau « Relier » très actif dans divers domaines comme les produits fermiers, les circuits courts, le tourisme, l’habitat rural, etc.
Jean s’installe à son compte au début des années 90 et intervient dans le programme Europea FP, d’abord avec le Ministère de l’Agriculture (Direction Générale de l’Enseignement et de la Recherche) puis en partenaire principal du GREP. Durant dix ans il conduit ce dispositif en duo avec Odile Plan.
Une fois « en retraite », il participe très activement au développement de « Terres de lien » et devient le premier président de la Fondation d’utilité publique « Terres de lien », après s’être totalement investi dans sa création.