Le vieillissement durable, une opportunité pour tous
Entre d'un côté Charles Aznavour, 91 ans, Juliette Greco, 88 ans qui montent encore sur scène, Jean D'Ormesson 90 ans dont on attend le prochain livre et de l'autre, les personnes atteintes d'alzheimer qui vivent en institution, y-a-t-il une vie entre performance et handicap après disons 75 ans ?
Oui, on peut être « plus si jeune mais pas si vieux » le slogan de l’association OLD-UP qui a organisé le 10 octobre dernier un colloque au titre teinté d’ironie : « Comment l’esprit vient aux vieux ». Je regrette de m’y être prise un peu tard et de n’avoir pu y assister faute de place mais je me suis renseignée !
ET QU’AVEZ-VOUS APPRIS ?
Vous savez que l’allongement du temps de la vie est une réalité au point où nul ne sait dire aujourd’hui s’il y aura une limite et c’est aussi un indicateur précieux du développement de chaque société. Vous savez peut-être moins qu’il y a aujourd’hui en France dix millions de personnes, en majorité des femmes, qui ne sont ni des « seniors » ainsi qu’on désigne ceux qui atteignent l’âge de la pré-retraite, ni des vieillards en perte d’autonomie. Ce sont des « vieux debout » des « old up » qui ont encore de bonnes années devant eux. Cette nouvelle génération ne veut pas se contenter de raconter des histoires du passé, bien que cela soit fort intéressant, mais elle veut participer au présent et à l’avenir avec ses disponibilités et ses fragilités.
Une des fondatrices de l’association OLD-UP, l’actuelle présidente Marie-Françoise Fuchs, médecin et formatrice dans les associations et les centres sociaux dans une autre vie, a fondé en 1994 l’École des grands parents européens. Elle enjoignait notamment aux grands-parents de ne pas se replier sur leur famille, mais à rester dans la vie sociale avec des initiatives et non une disponibilité passive. Mais les petits enfants grandissent et les grands parents vieillissent. Marie-Françoise Fuchs a pris conscience d’être passée à une autre étape de la retraite (si l’on entend par retraite le fait de ne plus gagner sa vie comme avant mais pas d’arrêter de travailler !). Dans une interview à Génération Care elle dit : « ce n’était pas un couperet mais il y avait tous ces changements profonds et subtils dans nos vies, à la fois intimes, corporels et dans la relation sociale. On a estimé qu’il fallait prendre en compte cette génération car le début du 21ème siècle a rendu ce vieillissement pérenne. Ces choses à expérimenter, nous devions nous en emparer, les apprivoiser, pour donner sens et utilité à cette période ». D’où une recherche sur cette étape de la vie qui a abouti en 2007 à un colloque puis en 2008 à la création de l’association OLD UP par des gens…âgés qui n’ont pas peur d’appeler un chat, un chat.
ET QUE FONT-ILS ?
J’aurais envie de dire que ce sont des apprentis d’une vie nouvelle, celle du vieillissement durable. La gérontologue Françoise Forette le dit sur tous les tons depuis des années : la longévité est une opportunité pour tous. C’est une vie où l’on dépasse l’âge de ses propres parents à leur décès, une vie où l’on est vieux dans le regard des autres, une vie où l’on perd ses proches, une vie où l’on a jamais pensé « quand je serai vieux ». Mais aussi une vie où l’on n’est pas un poids pour la société, mais où l’on a une place, un rôle, une utilité même si le rapport au temps est différent et si l’on a des misères ; une vie où l’on est libre même si ce n’est pas ce à quoi on a aspiré.
Bien que ce ne soit pas dit, il me semble que pour adhérer à Old up, il faut avoir la lucidité de reconnaître qu’on est vieux, sinon de l’accepter. Beaucoup de personnes âgées se plaignent de ne voir que des gens âgés. Dans les groupes de rencontres d’Old up, les personnes se réjouissent au contraire d’en rencontrer d’autres pour se dire des choses intelligentes, acquérir l’autonomie informatique ou travailler sur des projets. Par exemple, des membres de l’association sont sollicités comme experts pour l’utilisation des futurs TGV ou pour tester les bornes RATP. Les ingénieurs ont donc tout intérêt à recueillir leurs avis. L’association s’intéresse aussi à l’Europe ; les membres ont tous assisté sinon participé à sa construction et ils planchent aussi sur la réforme du collège.
Quand on a demandé à Françoise Forette l’ingrédient indispensable pour bien vieillir elle a répondu « l’optimisme ». Et c’est scientifiquement prouvé : l’optimisme réduit de 40% la mortalité cardiovasculaire !
Et si vous voulez recevoir une exceptionnelle leçon d’optimisme, regardez le documentaire « la dame du 6 » dont je laisse le lien sur le site de l’émission. Il s’agit de la pianiste Alice Sommer-Herz, décédée en 2014 à 111 ans. Dans le film, elle a 110 ans et joue admirablement de mémoire ses compositeurs préférés. De chaque expérience de sa longue vie, même les plus douloureuses, elle a tiré des acquis, des émerveillements qui ne cesseront pas de nous émerveiller.
Le documentaire « la dame du 6 » : https://www.youtube.com/watch?v=wwTpZ4nV0Q8
(C'est génial !!!)
Caroline Eliacheff pour France Culture
Lire aussi l'article Or Gris qui donne les réactions de Hugues de Varine au colloque : http://www.or-gris.org/2015/10/vive-la-vieillesse.html